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Confrontation et coordination des sources du doit social – A propos du dossier d’Avril de la revue Droit Social

Droit social couvLa revue Droit Social publie dans son numéro d’avril 2014 un très intéressant dossier intitulé “Droit constitutionnel du travail”. Y figure une contribution de ma plume sur le sujet suivant : “Droit constitutionnel, droit international et droit européen des droits de l’homme : concurrence, confusion ou complémentarité”.

L’ARTICLE

Le lecteur intéressé ira, si ce n’est déjà fait, en prendre connaissance dans la revue même. Mais enfin, ne peut-il d’ores et déjà en avoir une idée ou, pour être plus précis, savoir quelles idées en forment la substance ?

Elles sont simples ces idées, avec deux propositions qui gravitent autour de la notion d’ordre juridique, qui en est le préalable en quelque sorte.

Préalable : La notion d’ordre juridique exprime essentiellement, en même temps qu’un prescrit d’unité, une prétention à la souveraineté dans un double registre : 1) monopole du pouvoir de détermination des principes qui président à la cohérence interne du système (par ex. agencement des pouvoirs et des normes) ; 2) Monopole du pouvoir de détermination des rapports de celui-ci avec toute autre norme qui lui est étrangère.

Proposition n° 1 : En droit, les rapports entre les sources et les systèmes dont elles sont issues ne peuvent s’établir que sur le mode de la concurrence, parce que chacun de ces systèmes se conçoit comme ordre juridique. Il s’en suit forcément des affirmations contradictoires de primauté, qui sont autant de chocs de souveraineté. Or le droit, celui de l’inter-relation des normes, parce qu’il est toujours produit quelque part, est inapte à organiser de manière neutre et donc acceptable de tous les points de vues une relation entre sources et systèmes qui ne soit de confrontation. Et pourtant la conflagration générale, qui paraît être la conséquence nécessaire de cette situation, n’a pas eu lieu et n’aura pas lieu. Pourquoi ?

Proposition n° 2 : Si la déflagration n’a pas eu lieu c’est parce que l’inter-relation entre les sources, notamment des droits de l’homme et du droit social, ne repose que partiellement sur les règles et principes juridiques. Pour anticiper ou neutraliser les conflits, sont mises en oeuvre plus ou moins spontanément maints procédés, techniques et méthodes de conciliation, de transaction. C’est principalement à eux que l’on doit la paix relative, et parfois l’harmonie, entre les sources considérées.

D’où le plan de l’article : I- La concurrence comme principe ; II- La conciliation comme nécessité.

LE DOSSIERDroit social JFAK

Remarquable, voire plus, en tous ses articles. Une formule d’un des auteurs (V. Bernaud) me servira à dire l’impression que m’a faite la lecture de ces articles : changement dans l’immobilité. Trois figures pour l’illustrer brièvement :

Changement de cadre procédural, stabilité des normes en leurs substances. Le cas du principe constitutionnel d’égalité que traite P. Lokiec, ou celui du droit à l’emploi, objet de la contribution de D. Baugard, sont exemplaires à cet égard. Surprenant ? Certes non, sauf pour ceux qui se seraient mis à rêver, contre toute raison juridique, qu’une procédure pourrait changer le fond du droit !

Changement de pratique des juges, immobilité de la doctrine. La rengaine doctrinale d’une disharmonie entre les juges de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (la faute à l’irrédentisme de la Cour de cassation !) poursuit son chemin avec une sereine bonhomie quand, en pratique, ce que décrit cette rengaine n’existe plus. C’est excellemment et agréablement (belle plume !) démont(r)é par P. Florès.

Stabilité des normes constitutionnelles, insensible inflexion du point de vue de leur interaction. On le voit avec la liberté syndicale (F. Petit), le principe de participation (I. Odoul-Asorey) et le droit de grève (P.-Y. Gahdoun). Liberté, principe ou droit traditionnellement déconnectés les uns des autres, et qui se conçoivent de plus en plus, désormais, en relation les uns avec les autres. Simple frémissement de changement. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que celui-ci s’opère sous l’influence du droit européen, formellement séparé du, et subordonné au, droit constitutionnel.

ET AU-DELÀ ?

Deux maximes :

“Le hasard fait bien les choses” : signaler le bel article de N. Moizard sur les interactions entre sources (CEDH et Conventions de l’OIT), qui est dans la tonalité même du dossier.

“La cause n’a pas besoin d’être identifiée pour produire des effets” : pour le non moins bel article de D. Gardes relatif à la définition juridique du travail, article qui montre qu’un régime juridique touffu, une discipline juridique même, avec ses enseignements et ses spécialistes, peuvent naître d’un objet relativement indéterminé encore. Ce n’est pas la première fois en droit.

Bonne lecture à tous !

JFAK

 

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