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Livre – GUIDE DES ÉLECTIONS AU MALI, par Me Mamadou Konaté, préface du Pr Akandji-Kombé

Si l’on veut œuvrer à l’appropriation de « l’institution élection » par tous, gouvernants et gouvernés, et prévenir ainsi les crises, le mieux est encore d’instruire chacun de ses droits et obligations et des exigences du strict respect des règles du jeu électoral. Tels sont l’ambition et le mérite de l’excellent Guide mis à disposition (avant les dernières législatives) par Me KONATÉ…

Jean-François Akandji-Kombé

Rérérences…

Mamadou Ismaïla KONATÉ, Guide électoral et du contentieux électoral au Mali, Ed. Droit Afrique, 1ère édition, 2020, 202 p.

Préface du Pr Jean-François Akandji-Kombé, président de l’Institut Panafricain d’Action et de Prospective (IpaP).
Postface du Bâtonnier Kassoum Tapo, ancien président de la CENI.
Ancien garde des Sceaux, Ministre de la Justice de la République du Mali, Me Mamadou Ismaïla Konaté est diplômé en droit des affaires de l’Université de Bordeaux 1, avocat inscrit aux Barreaux du Mali et de Paris, arbitre et auteur de plusieurs articles publiés dans des revues spécialisées de droit des affaires (OHADA).

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Présentation de l’ouvrage (par l’éditeur)…

Premier ouvrage sur le sujet en République du Mali, le Guide électoral et du contentieux électoral présente le cadre juridique des élections au Mali. Ce cadre est applicable aux élections présidentielles, législatives, des collectivités territoriales ainsi qu’au référendum. Les sources légales nationales et régionales ainsi que la jurisprudence des juridictions maliennes et communautaires y sont présentées.

Le droit électoral « substantiel » applicable à l’électeur et au candidat, aux opérations électorales, à la proclamation des résultats, à la campagne électorale, au vote des électeurs présents et absents, ainsi qu’au dépouillement des suffrages est présenté. Le droit électoral « processuel » mis en avant met l’accent sur la multiplicité des compétences juridictionnelles. Le droit pénal électoral présente l’importance de la lutte contre la fraude en matière électorale.

L’ensemble est complété des principaux textes législatifs et réglementaires applicables en matière électorale, notamment du « Code électoral » (Loi n°2016-48 du 17 octobre 2016 portant loi électorale).

À l’usage des juges et des procureurs, mais également des avocats, régulièrement confrontés aux litiges électoraux. Les étudiants, les enseignants et les chercheurs intéressés par le sujet y trouveront leur compte. Les administrations impliquées, les collectivités publiques et territoriales, les partis politiques, les sociétés civiles trouveront des réponses à leurs interrogations.

La préface du Pr AKANDJI-KOMBÉ

Ouvrage fondamental, aussi bien visionnaire que pratique et, pour tout dire, utile à la construction de ce Mali et de cette Afrique auxquels aspirent nos peuples, gouvernés par leurs volontés propres et tendus vers le bonheur commun, celui de tous.

Voilà comment m’apparaît le livre que Maître Mamadou KONATÉ m’a fait l’honneur de me demander de préfacer, et voilà, je n’en doute point, comment il apparaîtra au lecteur qui aura pris la peine de le parcourir de la première à la dernière ligne.

J’ai dit que l’ouvrage est fondamental. Ceci, pour faire partager avant toute chose un sentiment personnel ou, pour être précis, le sentiment analogique qui m’a animé tout le long de ma lecture. Sentiment, avec ces écrits, d’avoir devant les yeux un ouvrage que l’auteur bâtit, pas à pas, brique par brique, avec minutie, en veillant à l’utilité de la construction d’ensemble, pour l’utilisateur avant tout, afin qu’il s’en approprie chaque recoin. J’y reviendrai. Mais devant cet écrit, on se retrouvera aussi, surtout si on est Malien, dans des dispositions assez voisines de celles du destinataire d’un ouvrage devant une ligne nouvelle de briques élevant plus haut l’édifice destiné à le protéger avec les siens, contre les intempéries et autres vicissitudes susceptibles de menacer leur vie et leur sécurité, et pour que s’épanouisse leur vie collective intérieure. C’est dire donc qu’il y a ouvrage dans ouvrage. Mais c’est dire aussi et surtout combien la construction dont il s’agit est fondamentale.

Fondamental, cet ouvrage l’est nécessairement vu le sujet abordé : les élections. Depuis la démocratisation de nos États en Afrique, que l’on fait faussement remonter à la Conférence de la Baule de 1990, l’élection rythme, comme presque partout ailleurs, la vie de nos pays et de leurs citoyens. Elle leur imprime même un rythme si vital qu’on a pris l’habitude d’y voir une « respiration », la respiration démocratique. Reste que nous sommes en Afrique, et que ce qui n’est que cadence politique ailleurs y prend des allures plus globales, engageant toute la vie économique et sociale des Nations, imprimant les destins aussi bien collectifs qu’individuels. Et cela, de manière positive certes parfois mais, il faut bien se l’avouer, dans une mesure qui est la plupart du temps plutôt dramatique. C’est que, dans la réalité de nos pays, l’élection se vit essentiellement comme un kyste. Elle est source d’inflammations, de convulsions même, de crises, les fameuses « crises post-électorales », qui éclatent comme des catastrophes, déchirent nos pays et leurs tissus sociaux, engloutissent des vies et des biens, enterrent des destinées, étouffent des promesses de bien-être. Bref l’élection est de fait un facteur hautement conflictogène dans nos États, en passe même de devenir le nid par excellence des conflits qui secouent notre Continent, et ceci en chacun des éléments des processus électoraux, du droit de suffrage à la proclamation des résultats en passant par le découpage des circonscriptions électorales, le recensement des populations, l’établissement des listes électorales, la validation des candidatures, le déroulement des scrutins, le dépouillement des votes, etc.

Parmi les nombreuses causes explicatives de cette « explosivité » des élections, il y a assurément – c’est ma conviction – le défaut d’appropriation, ou simplement l’insuffisante appropriation de « l’institution élection » dans nos pays, aussi bien par les gouvernants que par les citoyens. Ce disant, je ne pense pas à l’élection seulement d’un point de vue technique et procédural, comme un ensemble d’opérations conduisant à désigner les autorités gouvernantes aux plans national et local. Je pense aussi, et surtout, à ce quelque chose d’autrement plus fondamental dont l’élection n’est que le reflet et le moyen de réalisation : une certaine idée de la Société et de l’Homme(/Femme). Cette idée qui voudrait qu’au sein de l’État le pouvoir souverain appartient au peuple, et au peuple seulement, quelle qu’en soit l’expression (constitutionnelle, législative, règlementaire, etc.) ; qui voudrait que les gouvernants ne sont que des représentants, des mandataires, désignés par le peuple, légitimes seulement par le fait de cette désignation et pour accomplir les missions dont le peuple les a chargés ; qui voudrait enfin que, par conséquent, ces représentants sont tenus par un devoir de redevabilité à l’égard du peuple. Voilà l’idée, voilà l’ordre qui est au fondement de nos Constitutions modernes, et que résume admirablement ce principe cardinal énoncé à l’article 25 de la Constitution de la République du Mali, en empruntant à Abraham Lincoln : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C’est au centre, que dis-je, au cœur de cette vision de l’ordre politique et social que se trouve précisément l’élection. Elle en est, pour tout dire, au point névralgique. Point névralgique, parce que l’opération à laquelle elle permet de procéder est des plus délicates : procéder à une transmission par le Peuple de son pouvoir sans que le titulaire – le Peuple précisément – en soit dépossédé ; transmettre ce qui n’est ainsi qu’un simple pouvoir d’exercice de la souveraineté en s’assurant que les personnes retenues sont bien celles qui ont effectivement été choisies par les citoyens, en toute liberté et en toute transparence, pour être leurs Représentants.

Mais, allons plus loin encore. Ce que j’ai appelé plus haut « une certaine idée de la Société et des Hommes(/Femmes) » renferme plus qu’une simple injonction d’organisation et d’exercice du pouvoir au sein de l’État. En effet, par cette organisation, ce qui est recherché in fine est bien plus grand encore. C’est le « bonheur du peuple », la satisfaction de « l’intérêt général » ou, pour le dire plus concrètement, la conduite de politiques publiques qui soient l’aspiration du plus grand nombre, qui répondent aux besoins fondamentaux des citoyens et qui assurent le bien-être pour tous. Car, il est permis de le penser, pour faire le bonheur du peuple durablement, il n’y a guère que le peuple lui-même, agissant à travers ses représentants qu’il élit et qu’il contrôle. L’Union interparlementaire, mettant ses pas dans ceux des rédacteurs de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, ne dit pas autre chose dans sa Déclaration de Paris du 26 mars 1994 : « Des élections honnêtes et périodiques constituent une composante nécessaire et indispensable des efforts sans cesse déployés pour protéger les droits et les intérêts de ceux qui sont gouvernés ; le droit de tous à prendre part à la direction des affaires publiques de leur pays constitue un facteur déterminant pour que tous bénéficient effectivement des droits de l’homme et libertés fondamentales ».

Voilà pour l’objet de ce livre. Parce que l’élection est précisément le bien précieux que l’on vient de décrire, la réussite des processus qu’elle implique devrait être regardée comme étant de la responsabilité de tous, institutions comme individus. Car il nous faut, en Afrique en général et au Mali en particulier, rompre avec ce qui est vécu trop souvent comme une malédiction. 

Et c’est ici qu’il faut se réjouir de la démarche retenue par Me KONATÉ à travers cet ouvrage. Si l’on veut œuvrer à l’appropriation de « l’institution élection » par tous, gouvernants et gouvernés, le mieux est encore d’introduire chacun, comme il le fait, dans l’univers du droit. Car si elle est institution quand on la pense, l’élection devient, quand on la pratique, un ensemble concret de techniques et de procédures encadrées par le droit et dont le respect est surveillé par des juges. Le « bon bout » par lequel la prendre ne saurait dès lors être autre que celui des règles du jeu électoral. Par ailleurs, en ayant eu la bonne idée de ne pas rendre compte seulement de ces règles du jeu, mais aussi de celles qui permettent d’activer l’action juridictionnelle, Me KONATÉ permet à toute personne intéressée, donc à tout citoyen, d’être le premier responsable de la sauvegarde de la sincérité de l’expression de son suffrage et du respect de l’intégrité de ses choix.

Mais, voilà, cet univers du droit électoral et du contentieux électoral est, même lorsqu’on ne considère que le Mali comme à présent, un véritable maquis, où interviennent les acteurs les plus divers et les règles d’origines tout aussi variées. S’agissant des institutions, il y a celles qui produisent les règles et celles qui ont pour mission de les appliquer, il y a celles qui sont internationales, du mondial (ONU) au sous-régional (CEDEAO) en passant par le continental (Union Africaine), et celles qui sont nationales. Et, pour ce qui est des normes, en plus des textes fondamentaux adoptés par le Peuple et par les institutions du Mali – Constitution, lois, règlements – il y a aussi les textes internationaux qui lient le pays et s’appliquent sur son territoire, avec à la clé des organismes de contrôle pour dire le droit.

Le mérite de l’ouvrage de Me KONATÉ est de réunir tout cela en un seul volume, et de mettre à la hauteur de la compréhension du citoyen le jeu complexe et subtil de ces institutions, de ces sources, des principes et règles qu’elles établissent et des contrôles dont leur application fait l’objet. Le lecteur est pris en main et par la main, guidé étape par étape. On lui présente et on lui explique, de manière didactique : les textes qui s’appliquent aux processus électoraux au Mali ; les acteurs qui sont impliqués ; le contenu des règles en ce qui concerne les différentes étapes du processus électoral et, enfin, les recours ouverts pour contester les violations de ces règles. Et, pour tous ceux qui voudraient prendre connaissance directement des dispositions applicables, le recueil de textes formant la dernière partie du livre leur donnera entière satisfaction.

Au final, la forme de « Guide » retenue pour cet ouvrage est bienvenue et bien-heureuse. Elle en fait un instrument qui, tout en étant apte à servir les professionnels du droit et des élections ainsi que les chercheurs, se trouve au service de tout citoyen soucieux de défendre ses droits et, par-delà eux, d’œuvrer à des mœurs politiques apaisées grâce au respect scrupuleux des règles du jeu électoral.

Ce n’est que par une telle appropriation citoyenne que l’on peut espérer dénouer peu à peu les nœuds des conflits qui font les crises post-électorales dont souffre encore notre Continent. C’est aussi comme cela que l’on peut parvenir, à la fin, à restituer à nos systèmes politiques leur principe même, qui se trouve dans le peuple.

La paix politique et sociale par le droit, c’est possible. C’est un défi pour les Maliens. Mais c’est aussi un défi pour tous les Africains.

Aussi ne remercierons-nous jamais assez l’auteur, Mamadou KONATÉ qui, sans doute inspiré et bien inspiré par ses hautes responsabilités politiques passées au Mali (Ministre de la Justice) et par son office actuel de défenseur-promoteur en justice de la cause du droit (Avocat), a conçu le projet de ce Guide et met aujourd’hui entre les mains des Maliens la seule arme acceptable pour relever le défi de la démocratie. Il ouvre ou prolonge ainsi une voie que l’on souhaite ardemment voir prendre par d’autres dignes fils et filles d’Afrique pour tous les pays du Continent.

Jean-François AKANDJI-KOMBÉ

Professeur à l’École de Droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Doyen Honoraire de la Faculté de Droit de Caen (France), Professeur invité à l’Université de Bangui (Rép. Centrafricaine), Président de l’IpaP – Institut Panafricain d’Action et de Prospective

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