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Centrafrique : Pour savoir si enrichissement de la Constitution il y a bien eu…

PROPOSITION_CONSTITUTION_RCALes travaux de l’atelier d’enrichissement de la Constitution, convoqué conformément à la Charte constitutionnelle de transition (article 65), du 3 au 6 juillet, sont maintenant achevés.

Les résultats n’en sont pas encore connus. On espère qu’ils le seront rapidement. Chacun pourra alors répondre à la question de savoir si, malgré la durée extrêmement brève de cet atelier, celui-ci a bien accompli la tâche qui était attendue de lui.

Mais, pour ce faire, il faut une référence commune, un instrument de mesure commun, une grille d’évaluation partagée.

Qu’est-ce qui pourrait en donner lieu ?

Certainement par la Charte constitutionnelle de transition, car celle-ci se borne, en ses articles 55 et 65, à fonder la compétence constituante de certaines institutions et à fixer une procédure. Comme on sait, la compétence est celle du Conseil national de transition, et la procédure fait intervenir le gouvernement, l’atelier national d’enrichissement, la Cour constitutionnelle de transition et, in fine, le peuple (référendum). Sur le contenu de l’œuvre constituante, et donc sur la substance des apports de ces différents organes, la Charte constitutionnelle ne dit rien. Il faut donc chercher ailleurs.

Chercher du côté des propositions d’amendement ou « d’enrichissement » qui ont fleuri ces derniers temps en provenance de la société civile, de la diaspora (américaine en particulier), des partis politiques, des groupes armés, etc. ?

Je ne crois pas d’avantage que ce soit la bonne piste. Ces propositions transportent certes des idées intéressantes, mais on est fondé à se demander de quelle légitimité dispose chacun de ces groupes partiels de centrafricains, pour prétendre aligner les choix constitutionnels sur ses propres vues ; on serait même fondé à se méfier de certaines de ces propositions quand on constate qu’elles n’ont pas d’autre but que de servir les intérêts de ceux qui les formulent.

Que reste-t-il alors ? Les délibérations du Forum national de Bangui. Expression d’un consensus national, auquel ont non seulement souscrit mais ont contribué les organisations citées ci-dessus, le Forum avait formulé un ensemble de principes à intégrer ou à décliner dans la Constitution et avait expressément appelé à ce que cela soit fait lors de l’atelier d’enrichissement.

Si l’engagement pris par les politiques de rompre avec les pratiques du passé en ce qui concerne le suivi du forum, et donc de donner effectivité aux délibérations de ce dernier, ont un sens, on devrait retrouver ces délibérations dans le texte issu de l’atelier d’enrichissement. Et, quoiqu’il en soit, chaque centrafricain pourra confronter ce texte, une fois connu, avec les documents finaux du Forum, et notamment avec l’extrait qui suit :

Rapport de la Commission Gouvernance tel qu’approuvé par la réunion plénière du Forum, extraits :

II- PROMOUVOIR LA BONNE GOUVERNANCE PAR LA CONSTITUTION

Délibération n° 2 : Dans le plein respect des engagements internationaux de la RCA, établir la Constitution à venir comme expression du génie du peuple centrafricain dans son élaboration, incarnation de l’identité du peuple centrafricain dans ses principes et réponse aux problématiques centrafricaines par ses institutions et agencements. A cette fin,

1) introduire dans la Constitution :

  • une référence forte à la refondation de l’Etat centrafricain après les crises successives, ainsi qu’une référence aux principes d’humanité et de dignité humaine ;
  • un titre relatif à la citoyenneté en tant qu’expression du lien politique entre les centrafricains en précisant les droits et les obligations attachés à cette citoyenneté ;
  • pour accompagner les dispositions relatives à la République qui est une forme de l’Etat, des dispositions relatives à l’Etat et aux principes qui lui sont attachés, dont les principes d’unité de l’Etat et de sa population, d’égalité et d’égale dignité de tous les citoyens centrafricains, ainsi que le principe de neutralité de l’Etat à l’égard des religions ;
  • en tête des dispositions relatives aux pouvoirs exécutif et législatif, la mention que tout pouvoir émane du peuple centrafricain ;
  • une disposition prohibant la prise du pouvoir ou sa perpétuation par la force, mais aussi déclarant incompatible avec le statut politique le statut militaire ou la condition de force armée ;
  • dans la partie consacrée à la garantie des droits fondamentaux, une protection renforcée des droits des minorités et des peuples autochtones, ainsi que de l’égalité entre les hommes et les femmes ;
  • une disposition autorisant le pouvoir exécutif à procéder à des consultations à la base sur les grandes questions de société ;
  • une disposition imposant que les relations extérieures de la RCA soient conduites dans le respect de la dignité et des intérêts des centrafricains, ainsi que de la protection de l’intégrité territoriale de l’Etat, et assortir cette disposition d’un mécanisme de contrôle parlementaire ;
  • un titre particulier sur les ressources naturelles à travers des dispositions qui affirment, d’une part, la souveraineté permanente de l’Etat centrafricain sur elles et, d’autre part, leur caractère de patrimoine commun du peuple centrafricain et en tirer les conséquences ;
  • le principe selon lequel tout dirigeant qui viole la Constitution, les obligations qui y sont énoncées, doit en répondre. Les mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité doivent être prévus spécifiquement par des textes.
  • Inscrire dans la Constitution une Haute Autorité de la Bonne Gouvernance, en tant qu’instance indépendante de contrôle et de proposition, disposant de larges pouvoirs qui lui permettent de diligenter des contrôles des finances de l’Etat, des administrations, des finances personnelles des personnalités assumant de hautes fonctions de l’Etat, du financement des partis politiques et des comptes de campagne ; instance dotée par ailleurs des pouvoirs nécessaires pour l’engagement de poursuites en cas de soupçon de malversation, et organe pouvant saisir de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne les comptes de campagne ; mais aussi institution bénéficiant des garanties nécessaires d’indépendance, d’impartialité, ainsi que des moyens matériels de sa mission.

2) prendre dument en compte les éléments qui précèdent lors de le prochain atelier national d’enrichissement de la Constitution ;

3) rendre compte devant les centrafricaines et centrafricains de la prise en compte de ces éléments ou, si certains d’entre eux ne sont pas pris en compte, des raisons ayant conduit à cette décision.

Jean-François AKANDJI-KOMBÉ

 

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