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Lutter contre l’impunité par la justice pénale internationale : à propos de la thèse d’Elise LE GALL

2014-12-06 09.25.13-1[Hier, vendredi 5 Décembre 2014, dans la salle des soutenances de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a eu lieu la soutenance de la thèse de Mme Elise LE GALL, intitulée : « Approche critique de la lutte contre l’impunité menée au sein des juridictions pénales internationales – Réflexions sur l’opportunité des poursuites du Procureur international ». Nota bene : M. W.A. Schabas, absent, était remplacé comme membre du jury et rapporteur par M. Jacobo Rios-Rodriguez, de l’Université de Perpignan]

Ceci est un bel ouvrage, que je recommande à tous ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur le sens de la justice pénale internationale, celle de la CPI bien sûr, mais aussi celle des tribunaux ad hoc et des juridictions mixtes (nationale-internationale) ; un ouvrage qui sera utile autant à la réflexion qu’à l’action.

C’est une thèse qui, d’abord, rappelle opportunément que le but de la justice pénale devrait être la lutte contre l’impunité des criminels de droit international, mais qui examine avec un regard lucide et critique la place qui est faite à cet objectif dans le concert des buts que le droit international assigne à cette justice : paix internationale, réconciliation nationale, etc…

SoutenanceLeGall1Une thèse aussi qui rencontre et confirme une intuition que l’on avait déjà, de « l’affranchi » universitaire ou non au simple citoyen : la figure emblématique de la justice pénale internationale, c’est bien le procureur ! Mais, qui vient aussi combler un défaut criant d’information et d’analyse. Car si, fascination des médias pour les héros des temps modernes aidant, tous peuvent suivre à satiété les actions et parfois les agitations du Procureur international, combien peuvent se targuer de pouvoir les expliquer rationnellement, juridiquement, de les mettre en discussion dans les deux mêmes registres. Combien peuvent prétendre en maîtriser les ressorts suffisamment pour en proposer une critique systématique, voire des voies raisonnées de rénovation de l’institution ? Peu, à vrai dire. Et personne à ma connaissance n’a, au moyen d’une thèse, tenté de pénétrer, et de nous faire pénétrer, dans le halo épais qui entoure les actions de ce Procureur international, dans cette boite noire qui renferme les raisons juridiques et politiques de l’action.

C’est là incontestablement un des grands intérêts de ce travail.

L’autre tient dans la critique qui est menée de l’action discrétionnaire dudit Procureur. Cette critique est rapportée par Mme LE GALL à ce qui apparaît à ses yeux comme raison d’être de la justice pénale internationale : la protection des victimes, rendre justice aux victimes.

On l’aura compris, on a affaire à une thèse engagée. Mais à une thèse engagée qui, selon l’expression d’un membre du jury, est solidement charpentée et argumentée au plan juridique.

C’est, en plus, un trésor d’informations. Sur les juridictions concernées et leur fonctionnement, sur les affaires, etc., du Cambodge à la Centrafrique.

Je vous en souhaite bonne lecture.

Jean-François Akandji-Kombé

 

SoutenanceLeGall2Résumé de la thèse par son auteure

Ce travail de recherche se concentre sur la lutte contre l’impunité menée au sein des juridictions pénales internationales à travers le prisme du principe de l’opportunité des poursuites tel qu’appliqué par le Procureur international. Après avoir procédé à un état des lieux de la poursuite des crimes internationaux et de l’exercice de l’opportunité des poursuites du procureur tant au niveau national qu’international, il s’agira de mettre en exergue les faiblesses procédurales encadrant l’action du Procureur lors de la phase préliminaire du procès pénal et les inconvénients générés par sa politique pénale de poursuites au sein des tribunaux pénaux internationaux ad hoc (TPI ad hoc). En effet, ces défectuosités participent à l’apparence de partialité du Procureur international et de la crise de légitimité dont souffrent les TPI ad hoc accusés d’être à l’origine d’une justice des vainqueurs. La faible place accordée aux victimes, sans doute favorisée par un système de common law réfractaire à toute implication de la victime dans le processus pénal, participe à cette perception de partialité générée par une politique de poursuite peu représentative des conflits en cours. Néanmoins, l’influence progressive du droit romano-‐germanique dans la procédure pénale de la Cour pénale internationale (CPI) a introduit quelques améliorations toutefois insuffisantes pour pallier à la crise de confiance héritée des TPI. La décision du Procureur international de ne pas poursuivre (ou inaction) n’étant soumise à aucun contrôle (TPI ad hoc) ou à un contrôle balbutiant (CPI) et face aux dérives constatées, la mise en place d’outils de contrôle et/ou contrepoids pourrait-­elle permettre aux juridictions pénales internationales de lutter avec efficacité contre l’impunité et s’affranchir d’une emprise politique évidente ? Des éléments de réponse pourront être soutenus dans une analyse actuelle et prospective de la Cour pénale internationale, ainsi que dans la nécessité d’une présence toujours plus assumée au sein des juridictions pénales internationales d’un droit romano-­germanique dont le rôle processuel toujours plus essentiel des victimes et ses représentants dans le déclenchement des poursuites contribuera à éclairer la conception de la stratégie de poursuite du Procureur international.

Jury

  • M. Jean-François Akandji-Kombé, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Président
  • M. Gilbert Bitti, Conseiller juridique principal à la section préliminaire de la Cour pénale internationale
  • M. Julian Fernandez, Professeur à l’Université Lille 2
  • M. Jacobo Rios-Rodriguez, Maître de conférences HDR à l’Université de Perpignan (rapporteur)
  • M. Damien Vandermeersch, Professeur à l’Université catholique de Louvain et aux Facultés universitaires Saint-Louis, avocat général à la Cour de cassation belge (rapporteur)

2 comments on Lutter contre l’impunité par la justice pénale internationale : à propos de la thèse d’Elise LE GALL

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