«Près de quatre ans après que la Commission européenne a présenté sa stratégie pour la mise en œuvre effective de la Charte, nous avons réussi à renforcer la culture des droits fondamentaux au sein des institutions de l’Union. Tous les commissaires prêtent serment sur la Charte, nous vérifions chaque proposition législative européenne pour veiller à ce qu’elle soit en adéquation avec ce texte; quant aux juridictions européennes et nationales, elles ont progressivement fait de la Charte un élément de référence dans leurs arrêts. (…)Je constate avec satisfaction qu’en servant de véritable dispositif de protection pour nos citoyens et de guide aux institutions de l’Union, aux États membres comme aux juridictions, la Charte déploie à présent toute sa vigueur. Je concevrais entièrement qu’un jour, les citoyens dans les États membres puissent se prévaloir directement de la Charte, sans qu’il soit besoin d’un lien de rattachement clair avec le droit de l’UE. La Charte devrait être le «Bill of Rights» de l’Europe, sa Déclaration des droits à elle.»
Ce satisfecit peut se réclamer de nombreux progrès réalisés depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (2007). Ils sont répertoriés, pour l’année 2013, dans le rapport de 2014. Je préfère y renvoyer le lecteur. Mais pas sans signaler, parce que ces éléments sont utiles pour la suite, que les progrès en question procèdent à la fois de la jurisprudence et du processus législatif et exécutif de l’Union. A travers la première, les conditions d’application de la Charte, et donc les conditions d’accès au juge pour la protection des droits garantis, se trouvent au fur et à mesure précisées. Quant au second – le processus législatif et exécutif – le rapport montre très bien ce que la prise en compte de la Charte a changé dans l’approche des institutions, en particulier de la Commission qui dispose de l’initiative législative et qui forme l’exécutif européen.
FAUSSES NOTES CEPENDANT, MAIS HORS RAPPORT
Répertoire des “réussites”, le Rapport 2014, comme ceux qui l’ont précédé, évite cependant soigneusement les atermoiements et les fausses notes. Et pourtant il y en a. A tout le moins, il y a des raisons de s’interroger, et même parfois de s’inquiéter ; en tout les cas des raisons d’être moins optimiste que Mme Redding, spécialement dans le domaine des droits sociaux et du droit social. Par exemple, pour ne retenir qu’une seule de ces raisons…
La portée de la Charte est ainsi définie par la Cour de justice de l’Union européenne qu’elle conduit à vider les droits sociaux de leur substance et à leur retirer tout caractère concrètement opératoire. Deux orientations jurisprudentielles sont à mentionner à cet égard.
Celle dont il résulte que le justiciable ne peut se prévaloir directement, devant le juge, d’un des droits sociaux garantis par la Charte.On a là l’enseignement principal de l’important arrêt Association de médiation sociale du 15 janvier 2014, relatif au droit à l’information et à la consultation au sein de l’entreprise. Le raisonnement, en forme de syllogisme, est le suivant : 1) certains droits de la Charte qu’il convient de ranger dans la catégorie des “droits sociaux” constituent des “principes” et non des “droits” ; 2) or il ressortirait de la Charte (article 51, paragraphe 1) que les principes sont dépourvus de tout effet direct – entendez qu’ils ne confèreraient pas des droits dont les personnes peuvent jouir directement mais se borneraient à imposer des obligations aux institutions européennes et aux Etats membres lorsqu’ils adoptent des mesures ; 3) donc les droits sociaux ne peuvent être utilement invoqués dans le cadre du contentieux du travail par exemple. A noter que cette analyse vaut aussi pour les droits en matière d’environnement (voir par exemple l’arrêt Cruciano Siragusa 2 mars 2014). Se trouve ainsi neutralisé un pan entier des droits qu’est censé conférer la Charte, parmi lesquels, outre ceux déjà mentionnés, le droit à la sécurité sociale et à l’aide sociale, le droit à la protection de la santé, le droit des personnes handicapées à l’intégration, le droit à l’égalité en droits, le droit à des conditions de travail justes et équitables, ou encore le droit à la protection en cas de licenciement injustifié.
POUR PLUS D’INFORMATIONS, DE DÉTAILS ET UNE ANALYSE APPROFONDIE DE CES JURISPRUDENCES, JE ME PERMETS DE RENVOYER À MA CHRONIQUE (2e ÉDITION), INTITULÉE “TRAVAIL ET PROTECTION SOCIALE”, A PARAÎTRE DANS LE NUMÉRO DE MAI DU JOURNAL EUROPÉEN DES DROITS DE L’HOMME / EUROPEAN JOURNAL OF HYMAN RIGHTS (BRUXELLES).
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