Le régime de Bangui et le chevauchement effréné vers le 3e mandat

Ben Wilson NGASSAN
Journaliste-écrivain centrafricain
Observateur averti de la scène politique, Ben William NGASSAN incite à l’éveil des consciences face à ce qu’il qualifie de « tragédie centrafricaine ». Pour lui, le troisième mandat ouvrira sans doute la voie à une nouvelle crise sans précédent. Cette chronique est l’extrait de son manuscrit intitulé : « Il faut sauver le soldat Centrafrique ! ».
Jusque-là, Faustin Archange Touadéra est encore au-dessus de tout soupçon, lui qui n’a pas encore officiellement pris position pour le troisième verre de trop. Mais, les agitations de son plus proche entourage en disent long sur de l’état d’esprit de l’homme. Ce mythe qui dispense l’homme du 30 Mars durera-t-il combien de temps, l’espace d’un cillement ?
« En voulant modifier la Constitution, Touadéra viole son serment de premier justicier [magistrat] de la Nation »
Modification de la Constitution en vue d’un troisième mandat ou, selon le Conseiller Spécial Gouandjika, en vue de la remise du compteur à zéro : voilà l’une des révélations stupéfiantes de ce que d’aucuns appellent pompeusement dialogue républicain.
Beaucoup pensaient qu’au lendemain de sa chaotique réélection, Faustin Archange Touadéra allait nous faire oublier les désastres causés par son premier mandat. Hélas ! Conforté par sa nouvelle position de maitre des lieux, l’homme du 30 mars feint d’ignorer les vrais problèmes auxquels font face ses compatriotes et veut à tout prix s’offrir un nouveau mandat. Chose que lui défend formellement la Constitution sur laquelle il a prêté serment. Lui, le premier justicier [magistrat] de la Nation.
« Le passé électoral de 2020 fait émettre de sérieux doute quant à la crédibilité du référendum que les partisans du régime implorent de tout vœu »
Les stratégies machiavéliques du pouvoir de Bangui connues de tout observateur averti, depuis la sortie du dialogue dit républicain, les ogres du pouvoir sont à tous les fronts afin de signaler le passage du cortège d’un troisième mandat. L’opinion nationale s’émeut mais rien ne semble arrêter la galaxie touadérale dans son chevauchement effréné.
Depuis le 30 mars 2016, la République centrafricaine vit au rythme d’une démocratie du troisième type. Vérité des urnes ou pas, l’essentiel est fait : FAT est Président et il le demeure. Si en 2020, il eut fallu du soutien de quelques bons amis à Bangui pour que la réélection très controversée de Touadéra soit actée (car n’ayant été élu dès le premier tour qu’avec participation de seulement moins de 22% du corps électoral), qu’est-ce qui empêchera ce pouvoir en mal de légitimité de récidiver. Les bons amis Samuela Isopi, Mankeur Ndiaye sont partis, mais Matthias Barthélémy Morouba, Danielle Darlan, maillon du hold-up de 2020 sont encore là. Les deux pèsent plus que la vérité des urnes puisqu’ils sont, constitution-nellement parlant, les « arbitres du jeu électoral ».
« Le troisième mandat pour aller où ? Économie en lambeaux. Nation irréconciliable. Armée plus que politisée »
Six ans de gouvernance et rien de positif sinon division, concussion, gabegie et violence. L’économie ? Partie en couilles. L’armée ? Désormais plus que divisée. Un chroniqueur de chez nous a même dit que l’armée touadérienne a le couteau plus facile que les égorgeurs du génocide rwandais. Ils tuent, égorgent, se filment et envoient les vidéos sur le net. Un peu comme dans les vidéos des kamikazes arabes.
Au-delà de ce tableau sombre, les partisans du régime de Bangui revendiquent l’œuvre de la libération enclenchée par Touadera (sic !). Le « Sankara centrafricain » veut poursuivre les grands chantiers de délivrance sécuritaire et de désaliénation. Ne riez pas seul !
A Bangui, les oligarques font ce qu’ils veulent, et n’ont de compte à rendre à personne. De toute façon, l’homme du 30 mars a une idée en tête : s’octroyer coûte que coûte un troisième mandat, quitte à marcher sur les cadavres des centrafricains. Le pouvoir, rien que le pouvoir, tout pour le pouvoir.
« Adieu veaux, vaches, cochons, belles promesses et scrupules » ?
S’adressant à Alpha Condé alors que celui-ci s’apprêtait à violer la Constitution guinéenne dans le but de s’offrir un troisième mandat, l’écrivain Tierno Monénembo écrivait ceci : « le troisième mandat c’est un désir refoulé, un tabou qu’on se jure de ne jamais transgresser, comme l’envie de s’offrir le verre de trop. Et pourtant… ». En ressassant cela, l’on a bien envie de dire au confère d’Alpha Condé, après les belles promesses de justicier, adieu veaux, vaches, cochons et scrupules !
Nos hommes politiques sont toujours pudiques et respectables lors des campagnes électorales, mais lubriques et incontrôlables lorsqu’ils arrivent au pouvoir. Ils perdent la tête, ils jettent le cache-sexe dès qu’apparaissent les formes généreuses du pouvoir.
Intellectuel de haut niveau qu’il est, l’on a tout le droit d’exiger de Touadéra un minimum de déontologie. Lui qui est très passionné du football sait très bien qu’on ne modifie pas les règles du jeu en cours de match.
« Le respect de la Constitution, seule stabilité qui vaille »
Si les meilleurs savent toujours passer le relais, il faut rappeler au dirigeant centrafricain que la seule stabilité qui vaille se trouve dans le respect à la lettre de la Constitution. La première puissance mondiale avait écrit sa Constitution en 1788, plus de trois siècles passés, celle-ci n’a subi que 27 amendements sans avoir à modifier la durée de vie du Président au pouvoir.
Au risque de connaître le sort de Dadis Camara, Blaise Campaoré ou encore de son confrère Alpha Condé, Touadéra fera mieux de se passer des chants de sirène de ses conseillers toxiques qui le laisseront seul face à son destin alors que le compte à rebours du troisième mandat suicidaire sera lancé.
Auteur : Ben Wilson NGASSAN est Journaliste-écrivain Centrafricain. Observateur averti de la scène politique, il incite à l’éveil des consciences face à ce qu’il qualifie de « tragédie centrafricaine ». Pour lui, le troisième mandat ouvrira sans doute la voie à une nouvelle crise sans précédent. Cette chronique est l’extrait de son manuscrit intitulé : « Il faut sauver le soldat Centrafrique ! ».
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