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La décision “anti-Laval & Viking” du Comité européen des droits sociaux méritait bien un ouvrage magistral

Livre_CarmenSalcedoBeltranVIENT DE PARAÎTRE : 

Carmen SALCEDO BELTRAN : Negociación colectiva, conflicto laboral y Carta Social Europea » (Négociation collective, conflit de travail et Charte Sociale Européenne), Editions Bomarzo, Espagne, 2014. ISBN13:9788415923404.

Carmen SALCEDO BELTRAN est Professeure  titulaire de Droit du travail et de la sécurité sociale à l’Université de Valencia (Espagne). Elle est aussi membre du Réseau académique européen sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux, et co-coordinatrice de la section espagnole dudit Réseau.

LA DÉCISION DU COMITÉ EUROPÉEN DES DROITS SOCIAUX

Il s’agit de la décision du 3 juillet 2013 sur la réclamation collective Confédération générale du travail de Suède (LO) et Confédération générale des cadres, fonctionnaires et employés (TCO) c. Suède. L’affaire concernait les mesures législatives prises par la Suède pour se conformer au droit de l’Union à la suite du fameux arrêt Laval de la CJUE (11 déc. 2007). Le Comité européen des droits sociaux y prend le contrepied de la CJUE en faisant prévaloir les droits d’action et de négociation collectives sur les libertés du marché intérieur : libre prestation de service et libre établissement.

Décision accidentelle ? Certainement pas ! On a avec cette décision une prise de position déterminée et stratégique sur les valeurs de l’Europe, et l’affirmation d’une autre conception de l’Europe sociale. Qu’on en juge par l’extrait suivant de la motivation de la dite décision :

Observations liminaires

Sur les liens entre la Charte et la législation de l’Union européenne

72. S’agissant de la pertinence, sous l’angle de la Charte, des mesures juridiquement contraignantes adoptées par les institutions de l’Union européenne dans le cadre du droit communautaire, le Comité rappelle ce qui suit.

« [L]a circonstance que les dispositions [nationales] (…) s’inspirent d’une directive de l’Union européenne ne les soustrait pas à l’empire de la Charte (…). A ce sujet, le Comité confirme qu’il ne lui appartient ni d’apprécier la conformité des situations nationales avec une directive de l’Union européenne ni d’apprécier la conformité d’une telle directive à la Charte. Cependant, lorsque les Etats membres de l’Union européenne décident de mesures contraignantes qu’ils s’appliquent à eux-mêmes par le moyen d’une directive qui influence la manière dont ils mettent en oeuvre les droits énoncés dans la Charte, il leur appartient, tant lors de l’élaboration dudit texte que de sa transposition dans leur droit interne, de tenir compte des engagements qu’ils ont souscrits par la ratification de la Charte sociale européenne. C’est au Comité qu’il revient, en dernier lieu, d’apprécier si la situation nationale est conforme à la Charte, et ce y compris en cas de transposition d’une directive de l’Union européenne en droit interne » (voir Confédération générale du Travail (CGT) c. France – réclamation n° 55/2009, décision sur le bien-fondé du 23 juin 2010, paragraphes 32 et 33).

73. Le Comité considère que le même principe vaut, mutatis mutandis, pour les dispositions nationales fondées sur des décisions préjudicielles rendues par la CJUE sur la base de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à l’image de celle prononcée dans l’affaire Laval (voir point 8 supra). C’est donc au Comité qu’il appartient, en dernier ressort, de juger de la conformité d’une situation nationale au regard de la Charte, notamment lorsque des modifications apportées aux dispositions du droit interne afin de suivre des décisions préjudicielles de la CJUE risquent de peser sur l’application de la Charte.

74. Quant à une éventuelle présomption de conformité de la législation de l’Union européenne avec la Charte, le Comité tient tout d’abord à souligner que le droit de la Charte et la législation de l’Union européenne sont deux systèmes juridiques différents, et que les principes, règles et obligations qui forment la seconde ne coïncident pas nécessairement avec le système de valeurs, les principes et les droits consacrés par la première. Rappelant que « la Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion de considérer qu’il pouvait y avoir, dans certains cas, une présomption de conformité du droit de l’Union européenne [avec] la Convention européenne des droits de l’homme (« la Convention »), le Comité estime ensuite que les règles, actes normatifs et décisions de justice de l’Union européenne peuvent, dans bien des cas, être également conformes aux prescriptions de la Charte, d’autant plus que les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union ont désormais force de loi. Cela étant, ni la place qu’occupent actuellement les droits sociaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne ni la teneur et le processus d’élaboration de sa législation ne lui semblent justifier que l’on parte, d’une manière générale, de l’idée que les textes juridiques de l’Union européenne sont conformes à la Charte sociale européenne. Le Comité relève par ailleurs que l’Union européenne n’a pas pris de mesures témoignant de sa volonté d’envisager son adhésion à la Charte sociale européenne en même temps que l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme. Aussi le Comité confirme-t-il qu’il observera avec attention les évolutions qui résulteront de la mise en oeuvre progressive des réformes du fonctionnement de l’Union européenne résultant de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, y compris la Charte des droits fondamentaux. Il se déclare prêt à modifier son opinion sur une éventuelle présomption de conformité dès que seront présents les indices que la Cour européenne des droits de l’homme a pu voir lorsqu’elle s’est prononcée sur une présomption de conformité du droit de l’Union européenne avec la Convention, indices que le Comité estime absents aujourd’hui en ce qui concerne la Charte sociale européenne. Entretemps, chaque fois qu’il sera confronté à la situation où les Etats tiennent compte de ou sont contraints par les textes de droit de l’Union européenne, le Comité examinera au cas par cas la mise en oeuvre par les Etats parties des droits garantis par la Charte dans le droit interne (voir – réclamation n° 55/2009 ; voir aussi, plus généralement, l’observation interprétative relative à l’article 19§6 dans les Conclusions 2011, ainsi que la réclamation n° 16/2003 CFE-CGC c. France, décision sur le bien-fondé du 12 octobre 2004, par. 30).

 

L’OUVRAGE DE Mme CARMEN SALCEDO BELTRAN

L’ouvrage de Mme Carmen Salcedo Beltran ne pouvait tomber à point mieux nommé pour engager un débat vital pour l’Europe en cette phase larvée de la crise économique et dans la perspective d’une sortie de crise ; vital aussi pour la cohésion sociale des Etats européens, leur prospérité, mais aussi pour une re-fondation du modèle social européen. On ne peut donc que s’en réjouir et remercier l’auteur de nous livrer cette belle contribution.

Présentation de l’ouvrage par l’éditeur

La Carta Social Europea y la jurisprudencia del Comité Europeo de Derechos Sociales son actualmente los instrumentos jurídicos de carácter supranacional más importantes en materia de protección de los derechos sociales. Los recientes pronunciamientos que se han emitido son una muestra de esta realidad, dedicándose esta obra a analizar la imporatente Dicisión de Fondo de 3 de julio de 2013, que tiene su origen el conocido asunto Laval, y que ha reconocido a los representantes de los trabajadores los derechos de negociación colectiva y de adopción de medidas de conflicto que habían sido negados en el año 2007 por el Tribunal de Justicia de la Unión Europea, estando en presencia de un enfrentamiento de la Unión Europea, estando en presencia de un enfrentamiento de la Unión Europea con el Consejo de Europa al que necesariamente hay que encontrar una solución puesto que los países deben observar todos los compromisos que se derivan de la suscripción de los Tratados internacionales. 
Jean-François Akandji-Kombé

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