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Un impératif : Refonder le Centrafrique – Fragments…

Avertissement

J’ai entrepris de mener une réflexion prospective sur la République Centrafricaine, avec le projet d’en consigner le résultat dans des ouvrages. Le premier de ces ouvrages est en cours de rédaction. J’ai décidé d’en publier des fragments, au fur et à mesure. Une manière de soumettre les réflexions en cours au débat, et une manière d’enrichir le produit final.

Jean-François AKANDJI-KOMBÉ

Refonder la République centrafricaine : qu’est-ce à dire ? [ouverture – fragments]

Parce que sur les 623.000km2 de la République Centrafricaine tout est ruine, jusqu’aux fondations, il ne s’agit pas seulement de bâtir, mais de refonder. Refonder l’Etat, la République, les institutions, l’école, l’économie, la société, la citoyenneté… Refonder tout et chaque élément constitutif de l’ensemble.

Refondation : c’est l’horizon des promesses que les multiples candidats aux élections présidentielles dernières et, dans une moindre mesure, aux élections législatives ainsi que leurs soutiens, ont décliné sur tous les tons, à défaut que cela soit sur toute l’étendue de ce territoire pour l’essentiel aux mains de brigands et de gangs que l’on nomme pudiquement groupes armés.

Refondation : c’est aussi le chemin prescrit par les plus hautes autorités de l’Etat depuis l’assez mal nommé « retour à la légalité constitutionnelle » du 31 mars 2016, du Président de la République, M. Faustin Archange Touadera, au Président de l’Assemblée nationale, M. Abdou Karim Meckassoua, en passant par les membres des deux premiers gouvernements de cette ère, dirigés tous deux par M. Mathieu Simplice Sarandji.

Où en est-on sur ce chemin ?

C’est la question qui est au cœur de la présente démarche. L’objectif n’est pas de faire bilan. Il est un peu tôt pour cela. Même deux ans de pouvoir : ce n’est que le temps nécessaire pour poser les jalons de la construction du nouvel Etat et de la nouvelle société promise ; pas celui où on pourrait, l’édifice étant debout, tester sa solidité, traquer les malfaçons, évaluer l’harmonie de l’ensemble, etc…

Mais précisément, la conviction qui est au fondement de notre démarche est qu’il ne faut pas attendre le temps du bilan, qu’il faut s’intéresser à la construction dès ces premiers jalons.

Pourquoi, demandera-t-on ?

Hé bien, parce que ce processus est de nature à intéresser tout citoyen, et même tout observateur. Il n’est que normal, ou plus exactement il doit devenir normal en République centrafricaine que l’action de refonder, l’action pour refonder en tant qu’action publique et politique, pour « la cité », accepte de se soumettre au regard des citoyens, fût-il incisif, fût-il critique.

Mais s’il est ici proposé de s’intéresser au processus de refondation à ses premières prémisses, c’est aussi parce que même les premières fondations sont de grande importance; at qu’il faut s’assurer que celles que l’on pose sont les bonnes, qu’elles sont solides, saines et raisonnablement prometteuses. C’est dire que la démarche proposée est aussi porteuse d’une exigence : celle d’une construction plurielle par ses ouvriers et pluraliste par son essence.

« Ngou a gwé lo oko a ba », dit-on en République centrafricaine en souvenir d’une belle émission radio d’antan. « Le rivière qui coule seule finit par serpenter ». Voilà donc ce que proposent les lignes qui suivent : s’interroger ensemble sur le parcours à venir d’une entité, la République centrafricaine, qui a perdu au delà du titre, la qualité d’Etat, la substance d’une Nation, la consistance d’une société globale identifiable, la structure d’une économie rationnelle et moderne.

Je dis : « qui a perdu ». En vérité je le dis plus par postulat que par conviction. Autrement dit mon choix est de prendre les acteurs centrafricains au mot, et d’orienter les questionnements vers l’avenir. Mais je reste conscient du fait qu’il y aurait bien à se pencher sur la validité de la prétention qui sous-tend l’appel à la re-fondation ; se pencher sur la pertinence de l’idée selon laquelle il aurait existé à un moment donné – dans un âge d’or ? – un construit centrafricain qu’il s’agirait de restaurer après sa démolition.

La discussion sur ce point fondamental pourrait, à n’en pas douter, justifier un ou plusieurs écrits. Mais pas celui-ci. Par choix délibéré. Après tout, à supposer que le projet de refondation réussisse, ne déboucherait-il pas nécessairement, qu’on le veuille ou non, sur un Centrafrique autre ? Or, je le crois, l’enjeu de ce Centrafrique autre, et pour tout dire d’un Centrafrique nouveau, peut être réfléchi et peut trouver des débuts de concrétisation dans le même temps qu’on s’occupera à débrouiller, à élucider le passé de ce territoire, de ces populations sinon de ce peuple, et finalement de l’Etat qui y a été installé.

Reste l’essentiel. Que peut signifier la refondation en général, et la refondation dans le contexte centrafricain en particulier ?

De mon opinion : une idée, une exigence et une quête.

L’idée, quelle est-elle ? Elle est que ce bout de territoire terrestre et la communauté humaine qu’il abrite, après avoir erré pendant des décennies, ou plus exactement après avoir été promenés de lubies personnelles en ambitions tout aussi personnelles, de volontés extérieures d’assujettissement en volontés, tout aussi néfastes, de domination, se retrouvent eux-mêmes. Elle est que cette collectivité, toutes arbitraires que soient ses limites territoriales et sa configuration humaine, se reconnaisse comme étant une seule entité souveraine, s’emploie à se définir un horizon propre et commun, et donc se prenne à décider lui-même de sa destinée, que cette collectivité, enfin, se donne les moyens d’y parvenir.

Voilà l’idée. Une idée utopique si l’on n’y voit pas une exigence. Exigence d’abord vis-à-vis de soi-même. Une exigence qui se nomme d’abord refus de la facilité, refus de la fatalité. Qui se nomme ensuite esprit de responsabilité et de sacrifice, parce que précisément, comme le savent bien les psychiatres, le chemin de la découverte de soi peut être chaotique et douloureux. Il impose, ce qui vaut aussi bien pour l’individu que pour les peuples, d’accepter de regarder en face ses travers, ses pires défauts, et même ses tares. Mais le même chemin est aussi celui du salut, car ce douloureux cheminement introspectif est aussi le prix à payer pour reconnaître ses atouts propres et ses capacités d’autodétermination.

Ainsi est lancé le mot : autodétermination. La refondation ne peut être, dans le contexte centrafricain, que projet d’autodétermination avant tout, avant que d’être le projet de parvenir à une meilleure conduite des affaires du pays. Or, il suffit de le formuler ainsi pour s’apercevoir, pour peu qu’on suive les affaires centrafricaines, qu’il y a là une quête qui s’apparente à celle d’un Saint Graal que personne n’a jamais vu et dont nul ne peut dire s’il sera vu un jour. Quête de changement, car ce que transporte l’idée de refondation est étranger au réel centrafricain depuis les origines. Quête d’impossible, sera-t-on tenté ici ou là d’ajouter. Mais, après tout, une quête qui n’est pas perpétuelle est-elle digne d’être entreprise ? L’essentiel ne réside-t-il pas dans la tension vers l’objectif ? N’est-ce pas cette tension, et les progrès successifs enregistrés dans le cheminement, qui peuvent justifier de maintenir l’effort, perpétuellement ?

Si on admet qu’il en est ainsi, alors « allons-y seulement » comme aiment à le dire les centrafricains aujourd’hui. Allons-y donc mais intelligemment et résolument.

Et par étapes successives. Il y en aura quatre, chaque étape faisant l’objet d’un volume spécifique, appelé ici « Livre » et traitant d’une composante particulière du projet de refondation, et ce, selon la séquence suivante :

Livre 1 : Dompter la violence

Livre 2 : Restaurer les institutions

Livre 3 : Reconstruire la société

Livre 4 : Ordonner l’économie

Jean-François AKANDJI-KOMBE

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