[Lucien Pambou, ancien Conseiller UMP et par ailleurs éditorialiste sur le chaîne Africa24, m’a transmis, il y a quelques jours, son article paru dans la rubrique « Le Plus » de l’édition du journal « Le Nouvel Observateur » du 17 avril 2014 où il prend position en faveur de la proposition du Président du MEDEF, Pierre Gattaz, d’instaurer un SMIC [salaire minimum interprofessionnel de croissance] spécifique pour les jeunes.
Y ayant été, comme d’autres, invité par l’auteur, j’ai réagi à cet article.
Lucien Pambou a bien voulu accepter que soient publiés ici le texte de son article et celui de ma réaction.
Ce faisant notre objectif à tous deux est d’ouvrir le débat à d’autres opinions. Le votre sera le bienvenu, soit en commentaire de l’article, soit sous la forme d’un texte inséré à la fin de l’article. Si vous choisissez cette dernière option, il vous suffira de m’adresser votre texte par mail par le truchement de ce site en souscrivant préalablement au blog que voici… Est ainsi intervenu (voir ci-dessous) : Ridha Ben Hamza, …]
– I –
VERS UN SMIC JEUNES ? CHICHE MONSIEUR GATTAZ ! MAIS SOUS CERTAINES CONDITIONS… Par Lucien Pambou, Ancien conseiller UMP, par ailleurs éditorialiste sur la chaîne Africa24.
Le Smic dans notre pays est une machine infernale à polémiques. Créé en 1970, le Salaire minimum interprofessionnel de croissance est source de tensions entre ceux qui estiment que c’est un frein à l’emploi, et pas seulement des jeunes, et les autres qui pensent qu’il est nécessaire et participe à la réglementation du marché du travail qui ne peut pas être laissé à lui-seul selon la recommandation libérale.
Un coût du travail important mais pas décisif
Dans notre pays, on établit un lien entre le refus d’embauche de nos compatriotes, surtout les moins qualifiés, et l’existence du Smic. Nous sommes dans un faux débat car, si le coût du travail est important dans les stratégies d’embauche des salariés, il n’est pas toujours l’élément significatif à long terme dans la compétitivité hors prix (qualité des produits, service après vente, structure organisationnelle, maîtrise des langues étrangères) dont souffre souvent nos PME qui sont les plus confrontées à l’embauche de certains de nos compatriotes peu qualifiés.
Monsieur Gattaz a relayé deux propos, l’un tenu par Pascal Lamy, ex-Directeur de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et ancien directeur de cabinet de Jacques Delors à la Commission européenne. L’autre propos était le fait de trois économistes considérés comme étant à gauche sur le plan idéologique : Philippe Aghion, professeur à Harvard, Elie Cohen, économiste, directeur de recherche au CNRS et professeur à Sciences Po, et Gilbert Cette, économiste bancaire et professeur associé à l’Université de la Méditerranée Aix-Marseille II.
Ces trois économistes ont publié un ouvrage récent “Changer de modèle” dans lequel ils posent la question du Smic.
Le Smic jeunes, pourquoi pas ?
Pour ma part, je souhaite que l’on prenne Pierre Gattaz au mot en le mettant devant ses responsabilités. Je sais aussi que cette proposition qui ne participe pas du buzz homogène actuel relatif au refus du Smic jeunes (de la part des syndicats, de certains ministres, de Madame Parisot elle-même ancienne patronne du Medef qui estime que le Smic jeunes impliquerait un ordre esclavagiste) va entrainer une levée de bouclier que j’assume totalement.
À la différence de Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et de la jeunesse, qui a très vite fermé la porte au Smic jeunes, il me semble que l’on peut discuter et obliger Monsieur Gattaz a assumé toutes ses responsabilités. Monsieur Gattaz s’appuie sur l’existence d’un marché du travail qui condamne un jeune français sur cinq au chômage.
Selon la plupart des travaux, dont ceux de l’Insee relayés par des journaux comme le Monde (9 avril 2014), 22% des moins de 25 ans n’ont pas trouvé d’emploi trois ans après leur sortie du système scolaire. Toujours selon le Monde, la comparaison avec l’Allemagne montre que seuls 5% des jeunes allemands sont au chômage.
La condition : deux contraintes fortes
Partant de ces faits de présentation, il me semble que les pouvoirs publics peuvent permettre à Monsieur Gattaz d’embaucher des jeunes en-dessous du Smic mais avec deux contraintes fortes :
– l’État doit cesser les exonérations de charge sur les bas salaires à destination des entreprises et utiliser ces ressources financières pour compenser à hauteur du Smic ce que les entreprises versaient aux salariés quand ceux-ci étaient employés au Smic actuel. Cette expérience, sans être appliquée à l’ensemble de la nation, pourrait faire l’objet d’expérimentation (ce que nous ne savons pas faire à cause de notre logiciel mental jacobin) dans certaines régions. L’expérimentation ferait l’objet d’évaluation et de contrôle pouvant éventuellement déboucher sur une application générale au plan national.
– dans notre pays, au nom d’un libéralisme débridé (et pourtant je suis libéral) on laisse faire les entreprises à leur guise, surtout sur le marché du travail national. Je propose que toutes les entreprises, même si cela dérange, signent des accords importants avec les syndicats, la puissance publique et les salariés qu’ils embauchent en-dessous du Smic.
Ces accords porteraient sur des CDI obtenus lors du recrutement en-dessous du Smic et une augmentation de salaire au bout de deux ou trois ans d’expérience. C’est aux entreprises de faire des efforts et de ne pas simplement balancer des discours inaudibles sur leur citoyenneté et sur leur responsabilité sociétale et éthique en faveur de l’emploi et de la nation.
Les entreprises vont-elles jouer le jeu ?
On pourra toujours me rétorquer que, dans la situation actuelle, les entreprises ne peuvent pas être contraintes par les propositions que je viens de faire. Au nom de quoi ? Sur quelles bases analytiques et économiques, dans la mesure où ces entreprises seraient-elles débarrassées du poids des charges et d’un coût du travail qu’elles jugent excessif ?
Reste une question : les entreprises paieraient-elles des charges sur les salaires en-dessous du Smic qu’elles versent ? Il faut ramener ces charges à 0 et on verra si elles sont capables dans la mondialisation actuelle de tenir la compétitivité prix dont elles disent qu’elle est en leur défaveur parce que le coût du travail en France serait trop élevé.
L’Allemagne n’a rien à craindre
Je ne reviendrais pas sur la position allemande de l’instauration du salaire minimum grâce à la coalition SPD/CDU. Madame Merkel accède à cette demande pour des raisons politiques mais, à la différence de nos entreprises en France, l’Allemagne n’a rien à craindre car elle n’a pas peur de l’euro comme nous qui en faisons un bouc émissaire.
L’Allemagne tient les deux bouts : compétitivité prix et compétitivité hors prix. Les produits allemands sont connus en termes de qualité et de durabilité, pas simplement en France ou en Europe mais dans le monde entier.
En France, nos entreprises ont longtemps vécu sur la dévaluation permanente du franc pour vendre à l’extérieur et tenir les coûts. Nous sommes maintenant dans l’Europe et nous devons arrêter d’en faire le coupable de nos faiblesses et de nos incapacités structurelles. Nous ne pouvons pas agir sur la monnaie qui est commune à tous.
La notion de compétitivité passe par de nombreuses réformes : marché du travail, réduction des dépenses publiques, stratégie de l’État en matière de fiscalité, organisation des statuts des pouvoirs publics d’État et territoriaux. Le gel actuel des dépenses (50 milliards d’économie) expliqué par le Premier ministre Manuel Valls est le point de départ d’une vaste réforme à venir.
Les Allemands ont tenu compte de tous ces éléments il y a une décennie grâce à la réforme dite Schröeder. En France, à droite comme à gauche, nous n’avons jamais voulu faire de réformes et nous avons préféré la dépense publique à l’offre des biens et des services vendables dans un monde qui se transforme.
Le président doit prendre position
Monsieur Gattaz jette un pavé dans la mare. On souhaiterait que le président de la République se prononce. La droite à laquelle j’appartiens demandait des réformes sur le marché du travail. En voilà une qui n’est peut-être pas aboutie mais qui nécessite une expérimentation.
On n’entend pas beaucoup cette droite libérale ou conservatrice venir au secours de Monsieur Gattaz. C’est dommage car cela démontre à souhait le décalage entre le discours politique vivifiant et militant sur la réforme et l’incapacité de la droite à assumer ses actes dans le concret et la pratique.
Attention, voilà Gattaz qui arrive, planquons-nous, telle devait être la devise de la droite à laquelle j’appartiens et qui souhaite revenir aux affaires. Pour ma part, le simple militant UMP que je suis, dit à Monsieur Gattaz : chiche mais assumez aussi vos responsabilités en tant que chef d’entreprise dans les domaines de la production et de l’emploi.
Lire le même article sur le site du Nouvel Obs et voir pour d’autres sujets le blog/site de Lucien Pambou.
– II –
LE SMIC JEUNE, UNE IMPOSTURE. RÉACTION DE JEAN-FRANCOIS AKANDJI-KOMBÉ À L’ARTICLE DE LUCIEN PAMBOU
Cher Lucien, tout d’abord bravo pour cette publication. Comme tu m’y invites et comme je te l’ai promis, je l’ai lu attentivement, avec grand intérêt d’ailleurs, et voici ma réaction, que je vais formuler le plus franchement et le plus brièvement possible.
Je ne m’attarderai pas sur les préalables, mais tiens à préciser d’emblée les deux points suivants. Premièrement, je suis d’avis, et je sais que tu seras d’accord avec moi sur ce point, que la valeur d’un argument ne se mesure ni au diplôme de l’auteur, ni à sa position sociale, ni à son positionnement politique. Peu m’importe donc qu’un tel soit de Gauche, à l’UMP, de telle organisation professionnelle ou sociale. Deuxièmement, et ceci me ramène à ton article, Lucien, je crains que, tout en récusant le débat par échange d’anathèmes, tu finisses par y participer toi même en suggérant d’emblée que tous ceux qui s’opposent à la proposition de Gattaz ne le feraient pas par raison mais seulement pour participer à ce que tu appelles un « buzz homogène ». Comme tu verras, je ne partage pas ton analyse, et j’ose espérer ne pas être simplement renvoyé à ce cercle confus des buzzers.
Je disais que je ne partage pas ton analyse. Ni sur la méthode que tu proposes, ni sur le fond de ton idée sur le SMIC jeune.
Sur la méthode je serai court. Je pense pour l’essentiel que c’est une erreur stratégique de croire, et une tromperie de faire croire, qu’on peut dire « chiche Gattaz » dans les conditions que tu évoques ; autrement dit de présenter comme vraisemblable l’idée que le SMIC jeune puisse être le produit d’un consensus social négocié, ou pour mieux le dire d’un contrat social adopté sous forme de convention collective. S’il est une chose qui caractérise la direction actuelle du MEDEF, c’est qu’elle croit plus à la politique des « coups » qu’elle n’est habitée par celle du dialogue social ; c’est aussi qu’elle refuse dans le débat social toute logique de donnant-donnant, de l’engagement réciproque ou de la contrepartie qui est de l’essence de l’échange et du contrat. Si on avait encore quelque doute à cet égard, l’épisode du Pacte compétitivité-emploi les lèverait à coup sûr. Pour me résumer, décider d’abord du SMIC jeune, et renvoyer au dialogue social, ou même à un engagement spontané du patronat en faveur de l’emploi, c’est en l’état actuel accepter de faire au patronat un cadeau, sans la contrepartie que tu appelles de tes vœux. Ce marché là est à mes yeux un marché de dupes.
Quant au fond de la proposition de Gattaz à laquelle tu apportes ton soutien, je m’en tiendrai ici à deux reproches à titre principal, dont il résulte que pour moi, le SMIC jeune n’est pas seulement une fausse bonne idée, il est une idée dangereuse.
Le premier reproche est que je ne vois pas très bien le rapport nécessaire qui existerait entre la mesure envisagée, le SMIC jeune, et l’objectif poursuivi qui est d’œuvrer à un meilleur emploi des jeunes. L’expérience économique et sociale nous enseignerait plutôt que la baisse des charges des entreprises n’entraîne pas automatiquement l’embauche. Songeons par exemple, en France, à la baisse de la TVA en matière de restauration, pas si éloignée que cela de nous.
Deuxième point de désaccord sur le fond. À supposer même que la mesure soit adaptée à l’objectif poursuivi, la baisse du SMIC pour une catégorie de travailleurs est à la fois discriminatoire et porteuse d’un gonflement du nombre de travailleurs pauvres. J’entends bien que l’objectif est de doper la compétitivité, la focale étant ainsi placée sur l’entreprise coté patronal, en ayant en vue exclusivement sa santé économique mesurée à la balance des exportations et aux performance sur le marché économique. Mais il me semble qu’une juste appréciation d’une telle mesure doit prendre en compte aussi bien l’impact économique attendu que les conséquences sociales pour les travailleurs. Après tout, l’entreprise, ce ne sont pas que des patrons, c’est aussi des salariés, et la communauté de travail est formée de la combinaison des deux. Ensuite, sauf à t’expliquer plus avant sur la pertinence du critère de la jeunesse, je ne vois pas pourquoi il devrait prévaloir par rapport à d’autres, en particulier par rapport à celui du travail effectif. En effet, si l’on admet – faisons-le rapidement – que le salaire est la contrepartie du travail, les jeunes sont placés dans la même situation que des moins jeunes à travail égal. Aussi je demeure pour ma fermement part attaché à la maxime « à travail égal, salaire égal », qui est par ailleurs un principe juridique fondamental, tant du droit français que du droit international. Ce principe est depuis plusieurs décennies le levier des actions en faveur de l’égalité salariale entre hommes et femmes. Il serait pour le moins curieux, voire inquiétant, qu’il puisse être contourné pour instituer de nouvelles différenciations fondées sur d’autres motifs entre des personnes qui se trouvent dans la même situation au regard du travail accompli et des fonctions assumées dans l’entreprise. L’âge d’abord : les jeunes aujourd’hui, pourquoi pas les seniors demain ? Au delà de l’âge : pourquoi pas aussi la couleur de peau, le statut matrimonial, l’état de santé ou le handicap, comme critères de différenciation ? Absurde ? Pas tant que ça si on suit la logique Gattaz.
Ton papier aurait appelé bien d’autres observations : sur la valeur des comparaisons qui sont d’usage en matière professionnelle et sociale entre l’Allemagne et la France, et que je tiens pour défectueuses la plupart du temps, dès lors qu’elles font l’impasse sur la signification en contexte – fort dissemblable la plupart du temps – des institutions sociales ou économiques que l’on met en comparaison (comparaison n’est pas raison en l’occurrence) ; sur le détricotage implicite mais larvé des règles protectrices du travailleur et de sa dignité qui est au fondement de la solution proposée. Mais j’ai déjà été trop long !
Juste un mot pour finir. Ne vas pas croire que je serai partisan du statu quo pour autant. Je pense seulement que si discussion sur le salaire ou les rémunérations il doit y avoir, le terrain le plus adéquat n’est pas celui du SMIC mais plutôt celui du rapport entre travail, revenu, et niveau de vie (pouvoir d’achat). Autrement dit, le principe de l’évaluation du salaire adéquat réside pour moi dans la notion de « salaire décent ». Je n’invente rien. C’est ce critère qui est à l’honneur dans tous les textes internationaux, dont ceux de l’Organisation internationale du travail qui intéressent aussi bien l’Europe que l’Afrique. Je lui trouve une vertu particulière pour notre discussion : celui de concilier la dignité du travailleur avec la variabilité des situations économiques des pays. Et ce n’est pas qu’une idée fumeuse. Il existe aujourd’hui des formules mathématiques pour calculer ce salaire décent. Nous en reparlerons s’il le faut.
Paris, le 21 avril 2014.
– III –
RÉACTION DE RIDHA BEN HAMZA, ÉCOLE DE DROIT DE LA SORBONNE, CO-DIRECTEUR DU MASTER “JURISTE DE DE DROIT SOCIAL” DE L’UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON-SORBONNE.
Chers amis,
Comment est-il possible que tant d’imminents scientifiques (de tous bords) persistent à se copier sans un seul instant se poser la question de l’origine du frein à l’emploi, notamment des jeunes. Tous s’accordent à édicter comme une évidence – et le présent article sur le Smic jeunes n’y déroge pas – que le frein à l’emploi aurait, entre autres causes, pour origine le coût du travail!
Excusez mon impertinence mais, pour parler du coût du travail, encore faudrait-il qu’il y ait offre de travail !
Imaginons un employeur à qui on permettrait d’embaucher un jeune (ou “non-jeune”) pour un salaire de moitié inférieur au Smic. A suivre les analyses de nos éminents économistes, le boom de l’emploi serait au rendez-vous ! Mais comment ne voient-ils que pour recruter un salarié il faut en avoir besoin ! Même embauché à bas prix, notre salarié serait d’un coût exorbitant s’il n’a rien à faire ! Autrement dit, ce n’est pas tant la question du coût qui est première mais celle du travail. Et l’offre de travail dépend du niveau de consommation lequel dépend du niveau de revenu.
Résumons les conséquences de la proposition d’un Smic jeunes : les entreprises françaises sont dans une situation de sous emploi car elles vendent moins car les ménages consomment moins. donc pour y remédier on leur sert les propositions-promesses suivantes :
1- Embauchez à bas prix
2- Vous créerez des produits…
3- … Que vous pourrez vendre moins chers
4- Vous amorcerez alors le cercle vertueux, car plus vous vendrez plus vous embaucherez.
Euh, je crois que l’on appelle cela une politique économique par l’offre teintée d’une véritable régression sociale.
Le problème est que pour qu’une telle politique fonctionne, il faut une demande. Or, on ne la doperait certainement pas en ne permettant pas aux jeunes d’y contribuer, car pour pouvoir consommer il faut un reste à vivre une fois les dépenses incompressibles effectuées (logement, alimentation, transports). Sauf bien sûr à considérer que les jeunes n’ont pas vocation à faire partie des consommateurs.
La preuve par l’exemple : le Smic est fixé à 900 euros net.
Les dépenses incompressibles sont les suivantes (et encore ne les compte-t-on pas toutes…)
1- Loyer : 500 euros (moyenne prenant en compte les prix des grandes villes)
2- Alimentation : 180 euros (6 euros par jours, bien sûr proscription de toute boisson alcoolisée)
3- Transport: 50 euros (la RATP et sa carte navigo n’est pas encore universelle, donc que l’on s’accorde sur cette moyenne).
Nous arrivons à 730 euros: le reste à vivre est de 170 euros!
Cela devrait suffire, n’est-ce pas ? Car il est évident que les jeunes ne vivent pas (pas de sortie, pas de happy hours, etc.) ne s’habillent pas, ne se soignent pas etc…. Et vous voudrez en plus qu’ils consomment ?
J’ai oublié de vous dire que mon jeune sous smicard travaille dans une entreprise qui fabrique des vélos coûtant en moyenne 200 euros pièce. Vous pensez qu’il va se l’offrir un de ses vélos ? Ben voyons ! Et un consommateur de moins. Comme ses petits camarades sont dans la même situation que lui, voilà notre entreprise sans acheteurs potentiels, et donc avec un salarié qui lui coûte énormément cher !!
Allez, on l’a bien compris : sans croissance (dument impulsée par l’Etat) pas d’emploi et sans emploi la question du coût du travail ne se pose pas.
Post scriptum : je ne reviens pas sur la question de la régionalisation du droit du travail en général.
Paris le 22 avril 2014.
5 comments on En débat – Un salaire minimum spécial jeunes : pour ou contre ?
Le style y est, c’est sur! J’espere que vous n’en resterez pas à cet article!
Lucien, à vrai dire j’ai quelque scrupule à commenter les écrits d’un auteur dont je ne sais pas s’il entend participer à notre discussion, tout intéressant que soit son papier. En tout état de cause, j’observe qu’il est d’accord avec toi sur l’institution du SMIC Jeunes, mais pas sur la base des mêmes arguments, et la manière d’arriver au résultat importe à mes yeux tout autant que le résultat lui-même. Bref, j’avais accepté de réagir à ton analyse, mais pas de commenter tout ce qui s’écrit sur ce sujet.
Pour ce qui est des autres éditorialistes de l’ANR, je ne peux évidemment pas répondre à ta question à leur place. Je considère pour ma part que chacun est libre d’exprimer ou non ses idées. Je tiens leur silence pour aussi respectable que ma réaction.
Tu me demandes si tu es trop violent sur le SMIC Jeune. Assurément non, sur le fond. Mais il conviendrait de rester sur le fond et aux arguments de fond. Or je trouve que tu as l’anathème globalisante un peu facile (les africains … ces émotifs (sic)). Est-ce pour disqualifier toute opinion contraire ? Par ailleurs, ne trouves-tu pas un peu inélégant de mettre en cause ici des personnes qui ne se sont pas mêlées du présent débat, et ce sur la base d’une discussion qui a eu lieu dans un autre cadre et que nul ici ne peut apprécier ? Et de faire passer pour guidés par la seule émotion des objections tout à fait argumentés qui t’ont été faites dans cette discussion ailleurs ?
Tu l’auras compris, je ne suis pas loin de regretter, eu égard à ces derniers éléments, de m’être prêté à l’exercice.
Jean-François AKANDJI-KOMBÉ
Jean François, comme c’est dommage que l’article de Denis Clerc ne fasse pas l’objet de commentaires argumentés pour ceux de nos amis qui préfèrent l’affect au raisonnement, l’indignation à l’argumentation.
C’est un article intéressant car l’auteur est d’accord avec un SMIC allégé mais à certains conditions, même si l’auteur dit que ce SMIC allégé ne constitue pas la réponse au problème global du chômage. En effet, la véritable question est bien l’éducation de masse qui n’arrive pas à se mettre en adéquation avec les attentes du marché du travail qui lui-même se trouve dépassé par les contraintes de la mondialisation que la concurrence impose aux entreprises françaises qui ont beaucoup de mal à apporter des réponses adaptées.
Au delà des discours émotifs et enflammés sur l’emploi, sur la citoyenneté des entreprises en matière d’emploi, il me semble que la France va vers la bananisation de ses entreprises, à la manière de nos Etats bananiers qui n’ont de républicain que le tronc du bananier. c’est normal car qui se ressemble, s’assemble. La France est aujourd’hui à l’image de ses colonies africaines devenues républiques et qui sont à l’image de la mère France qui se bananise.
Suis-je trop violent en enfonçant le clou sur un sous-SMIC jeune ?
Dommage que certains de nos amis de l’ANR ne répondent pas au débat argumenté, préférant peut être faire passer l’émotion à la télévision et comme nous africains, nous sommes trop émotifs, c’est banco et c’est gagné.
Lucien PAMBOU
Jean-François je continue le débat. Voici un papier qui a été publié après mon papier sur le SMIC Jeunes. Il s’agit d ‘un article de Denis Clerc bparu dans alternatives eco du 24/o4
cordialement
lucien pambou
Oui au Smic “allégé” ! Mais sous conditions
les derniers articles | imprimer | envoyer a un ami
Partagez sur Facebook Partagez sur Twitter Partagez sur Scoopeo Partagez sur del.icio.us Partagez sur Digg Partagez sur Wikio Partagez sur Google Partagez sur Myspace
Je suis un ferme partisan du Smic. Car il s’agit d’une voiture balai dont le principal mérite a été d’empêcher que les inégalités se creusent par le bas. Certes, ceux qui sont payés à ce niveau trouvent non sans raison que cela ne suffit pas pour vivre décemment, au moins dans les grandes agglomérations. Mais, si le Smic n’existait pas, trois millions de travailleurs seraient encore moins payés qu’ils ne le sont. Certes, le Smic ne règle pas tous les problèmes de cohésion sociale, puisque les inégalités et la pauvreté progressent dans notre pays. Cependant, il a permis longtemps que la France soit un pays moins inégalitaire que ceux qui jurent surtout par le marché.
Pourtant, contre l’opinion de la plupart de mes amis économistes, et même contre celle de la rédaction du journal que j’ai fondé, je suis partisan d’un Smic jeune, encadré par certaines conditionnalités que je détaillerai un peu plus loin. Avant, j’aimerais expliquer cette position qui paraîtra contradictoire à beaucoup : comment peut-on être partisan du Smic et favorable à un Smic au rabais pour certains ?
La source de ma réflexion est un constat : le taux de chômage élevé des jeunes, aux alentours de 25 %. Sauf que ce chiffre ne veut rien dire, comme le montrent à l’évidence les résultats de la dernière enquête « Génération » du CEREQ (http://www.cereq.fr/index.php/publications/Bref/Enquete-2013-aupres-de-la-Generation-2010-Face-a-la-crise-le-fosse-se-creuse-entre-niveaux-de-diplome) à partir d’un panel de jeunes ayant terminé ou abandonné leur parcours initial de formation en 2010. Que faisaient-ils en juillet 2013 ? Cela dépend essentiellement de leur formation : 41 % des sans diplôme étaient en emploi en France métropolitaine, 48 % au chômage et 11 % inactifs. Quant aux bac + 2 ou plus, 84 % étaient en emploi, 10 % au chômage et 6 % inactifs. A cause de la crise ? En partie, puisque, pour la génération sortie du système éducatif en 2004 et interrogée en juillet 2007 (donc avant la crise), 57 % des non diplômés étaient en emploi contre 88 % des bac+2. On constate donc bien que la crise a accentué la proportion de ceux qui ne sont pas en emploi, pour les diplômés comme pour les autres. Mais on constate aussi que, même avant qu’elle ne se déclenche, l’écart entre les uns et les autres était considérable. En gros, avant la crise, le non emploi (chômage ou inactivité) concernait déjà près d’1 non-diplômé sur 2, et à peine plus d’un diplômé du supérieur sur 10. Bref, il y a quelque chose de massivement structurel dans le non-emploi des non-diplômés, et la crise, si elle en rajoute une couche, n’est pas la principale responsable.
Alors quoi ? J’ai le sentiment de me répéter. Au moins jusqu’en 2008, ce n’est pas l’insuffisance du nombre d’emplois qui était en cause, mais leur nature. Ainsi, en 2012, l’économie française (hors DOM) comptait 3,7 millions d’emplois salariés de plus que 30 ans auparavant. Mais, sur ce total, les emplois classés comme « non qualifiés » (chez les ouvriers ou les employés) ont diminué de 100 000, alors que les emplois qualifiés (chez les ouvriers, les professions intermédiaires et les cadres ou professions intellectuelles supérieures) ont progressé de 3,8 millions. Or ces emplois qualifiés supplémentaires sont pourvus essentiellement, voire totalement, par des diplômés. Les non diplômés, eux, ont au contraire vu le nombre d’emplois qui leur étaient accessibles se réduire comme peau de chagrin. Résultat : un sur-chômage massif pour les 120 000 jeunes qui, chaque année, sortent de l’école sans diplôme. Qu’on ne se méprenne pas : le sur-chômage des jeunes non diplômés ne s’explique que marginalement par un effet d’éviction. Certes, les employeurs préfèrent embaucher un jeune diplômé qu’un jeune non-diplômé, mais la raison essentielle est que le nombre des postes qui leur sont potentiellement accessibles tend à se réduire. En 2012 (dernière année connue), 88 % des jeunes chômeurs de 15 à 24 ans ayant une catégorie socioprofessionnelle connue (donc ayant déjà travaillé) étaient employés ou ouvriers : une majorité d’entre eux étaient sans doute non-diplômés. Notre marché du travail monte en gamme, et les non-diplômés (pas seulement les jeunes, hélas) en payent les conséquences.
Quel rapport avec le Smic ? Il est clair que sous-payer les jeunes débutants diplômés serait une grave erreur : ils auraient – à raison – le sentiment d’une injustice et cela n’aurait que des effets marginaux, voire nuls, sur la réduction de leur chômage. En revanche, pour les jeunes non-diplômés, les rémunérer 20 % en-dessous de l’actuel Smic permettrait sans doute de les rendre plus attractifs pour les employeurs : cela réduirait voire annulerait l’effet d’éviction, mais inciterait aussi des employeurs à les embaucher malgré leur moindre productivité supposée. Et certaines branches, dont les coûts de production diminueraient, verraient sans doute leur marché augmenter (dans le maraîchage, les services à la personne, l’hôtellerie, la restauration, la propreté, certaines activités industrielles). Toutes choses qui permettraient de diminuer le chômage de ces jeunes, dont trop, confrontés à l’absence de perspectives d’emploi et de revenu, finissent par perdre pied.
Il y a cependant un hic : il n’est pas juste que le Smic soit de 10 € pour les uns (j’arrondis) et de 8 (par exemple) pour les autres, alors que, à peu de choses près, les besoins sont les mêmes. C’est pourquoi il serait indispensable d’éliminer cette distorsion, souhaitable économiquement, mais néfaste socialement. Comment ? En supprimant les cotisations sociales salariales, qui seraient prises en charge par l’Etat. Ces cotisations (CSG et CRDS incluses) représentent 20 % (en fait, à peine plus). Si bien que le salarié payé au Smic perçoit 8 € sur les 10 de son salaire brut. Supprimez les cotisations salariales, et le jeune non diplômé payé au Smic percevra la même chose.
Evidemment, cela coûtera quelque chose à la collectivité, qui devra financer les cotisations sociales salariales (y compris l’assurance chômage et la retraite), et on sait que les dépenses supplémentaires ne sont pas bien vues ces temps ci. Sauf que l’Etat – au moins avant Valls -, était en train d’expérimenter une « garantie-jeune » à destination des jeunes de moins de 26 ans sans emploi et sans formation, avec versement d’un revenu social de l’ordre du RSA (450 € par mois) versé aux jeunes en question acceptant de s’engager dans une formation ou un emploi. Le dispositif proposé plus haut coûterait moins cher (200 € environ) et les jeunes qui en bénéficieraient gagneraient bien davantage, tout en acquérant une expérience professionnelle leur permettant de démarrer une carrière salariale au lieu de galérer sans fin. On me rétorquera que le dispositif des « emplois d’avenir » est similaire et n’attire pas vraiment les jeunes. Certes. Mais il est essentiellement conçu pour le secteur non marchand (associations, organismes publics) : l’expérience des CES (contrats emploi-solidarité), qui était similaire, a montré que, dans la plupart des cas, le secteur non marchand ne parvenait pas à financer l’emploi lorsque l’aide publique s’arrêtait. Et, surtout, les employeurs de ce secteur ont recruté essentiellement des jeunes diplômés, écartant les candidatures de ceux qui n’avaient pas ces atouts. Enfin, le dispositif des emplois aidés implique une sorte de parcours bureaucratique du combattant : pour les jeunes, mission locale, puis Pôle emploi, puis entretiens rebutent ceux qui sont les plus en difficulté, tandis que les employeurs doivent obtenir le feu vert de l’administration et signer une convention. Au moins, dans le dispositif proposé, les employeurs sont maîtres du jeu. Certes, ils écarteront les candidatures les moins intéressantes pour eux. Mais, enfin, les jeunes sans diplôme seront-ils regardés avec intérêt plutôt qu’avec suspicion. Ne soyons pas naïf : cela ne suffira pas à régler le problème de ces jeunes laissés pour compte. Mais cela permettra sans doute – l’expérience néerlandaise le montre clairement – de le réduire sensiblement. Si, tous les ans, 30 000 jeunes non-diplômés étaient embauchés au lieu de rester au chômage, cela réduirait leur taux de chômage de moitié et cela changerait radicalement leur vie.
Résumons. Oui au Smic allégé pour les jeunes sans diplôme, à condition qu’il soit compensé par une réduction de même ampleur des cotisations sociales salariales, qu’il ne soit pas durable (par exemple trois ans maximum) et qu’un employeur qui remplacerait un jeune parvenant au terme de la durée de réduction de cotisations par un autre jeune ne puisse pas bénéficier du Smic allégé. Ce n’est évidemment pas la proposition Gattaz, même si celle-ci en a l’aspect. Je le souligne, car je m’attends à une volée de flèches. Et j’ajoute que, en tant que président d’une fédération régionale d’une quarantaine d’associations travaillant dans le domaine de la réinsertion sociale, je vois tous les jours les dégâts sociaux que produit l’absence d’emplois auprès des jeunes sans diplôme. Il nous faut à la fois réduire l’échec scolaire et créer davantage d’emplois accessibles à ces jeunes. Le dispositif proposé pourrait répondre en partie à ce dernier objectif. Il reste à faire en sorte que le système éducatif réponde aussi au premier.
Cet article a été posté le Vendredi 18 avril 2014 dans la catégorie Non classé. V
Encourager l’emploi, lutter contre le chômage en jouant sur le salaire des jeunes (en l’occurrence l’hypothétique SMIC jeunes) ne me semble pas la plus pertinente des solutions.
Les pléthoriques contrats aidés comme le contrat unique d’insertion (CUI) ou son pendant du secteur non marchand, le contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), poursuivaient déjà cet objectif.
Or ces contrats ayant pour principale caractéristique une réduction du coût du travail pour l’employeur (aide financière de l’Etat, exonération de certaines charges), il est difficile de ne pas voir dans ce projet de SMIC jeunes un simple transfert de méthode pour un même objectif.
Seulement lorsque l’on s’intéresse aux effets de ces contrats aidés, on ne peut que constater que les principaux emplois concernés sont des emplois peu qualifiés, souvent à temps partiels, avec des perspectives d’évolution assez limitées (suivez mon regard vers la grande distribution).
Ne s’agirait-il donc pas là d’un nouveau cadeau à ce type d’employeur?
Sans parler des difficultés évidentes pour la vie du jeune smicard qu’évoque le professeur Ben Hamza.
Ou alors il faut pousser la logique jusqu’au bout et créer des ”plafonds jeunes” pour les loyers, les transports en commun, la voiture, l’essence, les produits de consommation courante…
Il me semble donc indispensable de définir une politique d’emploi claire avant d’envisager des mesures pareilles: la volonté est-elle de de pourvoir les emplois en flux tendu des entreprises susmentionnées pour faire face à un turn-over considérable?
Auquel cas j’émets un certain doute sur la véritable force créatrice d’emplois d’une telle politique.
Ne serait-il pas plus judicieux d’encourager la création d’activité et d’entreprise?
Car comme le relève très justement le professeur Ben Hamza, pour qu’il y ait travail, encore faut-il qu’il y ait offre de travail!
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.