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Vers un ordre juridictionnel social, à propos d’un tout récent colloque

justiceLE COLLOQUE – ORGANISÉ PAR LA CGT (CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL)

Le colloque de la CGT des 5 et 6 juin, annoncé sur JfakiBlog, a bien eu lieu. Ses résultats, remarquables, seront publiés prochainement, en principe à l’automne, dans la revue Droit ouvrier.

Quelques mots à son propos, non pas pour en faire la synthèse (il faudra attendre les actes), mais pour en évoquer l’enjeu : la création d’un ordre juridictionnel social.

Rêve itératif ou préconisation de raison, l’idée de ce que nous tenons résolument pour un progrès de l’Etat de droit et de l’Etat de Droit Social est ancienne.

Elle est au cœur du désormais presque mythique rapport Laroque de 1954, dont ne saurait assez recommander la lecture et la relecture à la lumière des données actuelles (voir la présentation de ce rapport par son auteur dans la revue Droit social : Article Laroque – Droit social 1954).

Elle est à nouveau le fil conducteur du Rapport Belorgey de 2004 sur l’avenir des juridictions sociales spécialisées, rapport de grandes précision et lucidité qui n’a, malheureusement, pas eu les suites qu’on aurait pu souhaiter (voir le texte du rapport : Rapport Belorgey 2004).

On se doit aussi de signaler le très controversé rapport Marshall de 2013 sur les juridictions du 21e siècle (le rapport : Rapport Marshall 2013).

L’observation de la seule carte actuelle des juridictions du social, la prolifération, l’éclatement et le désordre des institutions qu’on y constate, conduisent à tenir cette réforme pour urgente. A défaut de pouvoir le faire à partir du document très parlant préparé par les organisateurs du colloque et distribué aux participants, vous pourrez vous en faire une idée à partir de la synthèse suivante (Les juridictions sociales en France – par Marie-Odile Grilhot) en comparant la situation française avec la situation européenne (Les juridictions du travail et de la securite sociale en Europe – Synthèse 2005).

Pour aller plus loin, voir (et acquérir) :

PENSER LA RÉFORME

Mais, nécessaire, la réforme se doit d’être pensée globalement, et notamment sur les points suivants :

Quelle définition de la matière sociale, et donc du périmètre de la compétence du nouvel ordre juridictionnel, retenir ? En effet si, actuellement, dans l’ordre judiciaire le social se réduit au droit du travail et au droit de la sécurité sociale, il s’enrichit considérablement dans l’ordre administratif et touche à des questions fort diverses comme le montrent les attributions de la section sociale du Conseil d’Etat : emploi, formation professionnelle lato sensu, droits des femmes, santé publique, action sociale et lutte contre la pauvreté, famille, enfance, personnes âgées, professions sociales, anciens combattants et victimes de guerre, etc.. D’aucuns pourraient soutenir que certaines de ces matières relèvent d’un autre ordre que le social, notamment du droit civil. Et peut-être n’auraient-ils pas tort. En tout cas, cela impose de considérer que construire un ordre particulier suppose non seulement que sa cohérence interne soit réfléchie, mais aussi que soit pensée la rationalité de celle-ci par rapport au le système global, et donc par rapport aux ordres administratif et judiciaire. Et d’ailleurs, dès lors que pareil ordre social serait nourri de ce qui participe aujourd’hui de la constitution de ces deux derniers ordres, ne faudrait-il pas aussi s’interroger sur la manière de nommer désormais ces derniers, ce qui renvoie bien évidemment à des questions de fond qui ne sont pas simples.

Quelle ampleur faut-il donner à la réforme ? Autrement dit, faudrait-il instituer un ordre juridictionnel couvrant tout le domaine du droit social ou seulement celui du droit social professionnel ? Interrogation tout autant principielle que tactique. Il serait-par exemple, de ce point de vue, parfaitement concevable que le professionnel soit détaché du reste en considération du fait qu’en matière de droit des relations de travail, les rapprochements entre droit administratif et droit privé quant au fond du droit applicable sont plus significatifs que dans les autres segments du droit social. Mais se poser cette question pourrait conduire aussi à devoir réfléchir au type de justice que l’on veut – justice de droit commun ou justice spécialisée ? – ainsi qu’à la manière dont il conviendrait d’agencer ces deux formes et logiques juridictionnelles.

A quel niveau peuvent se situer les verrous à une telle réforme ? Seule la conscience des obstacles peut permettre de les surmonter ou de les contourner. Et il n’en manque pas en l’espèce, de toute nature qui plus est. Un parmi d’autres, et non des moindres, est la Constitution ou, plus exactement, la jurisprudence constitutionnelle. On pense ici décision n° 86-224-DC du 23 janvier 1987, qui constitutionnalise la compétence réservée de la juridiction administrative pour connaître des actions directes en annulation ou en réformation des décisions administratives (« à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle »). La question est de savoir s’il serait envisageable, à droit constitutionnel constant, de retirer au juge administratif cette compétence au profit de juridictions qui seraient par définition d’une autre nature ?

Ces questions ne représentent qu’une infime partie de celles qui se posent.

Le chantier de la réflexion doit donc se poursuivre.

JFAK (Jean-François Akandji-Kombé).

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