AFRIQUE DU SUD : LE DRAME DES MINEURS CLANDESTINS
Ils sont sud-africains, anciens mineurs au chômage, pour la plupart, et étrangers en errance de pauvreté pour l’autre part. Ils creusent dans les entrailles de la terre, des entrailles de centaine de kilomètres abandonnées par les grandes compagnies minières, à la recherche de la moindre pépite qui leur permettra de manger et de faire manger leurs familles, et de pourvoir à leurs besoins minimaux. Ils sont une “armée” : des centaines de milliers sans doute. On les appelle “Pirates des mines”. Je préfère pour ma part les mots zoulous qui traduisent mieux la réalité de ces damnés de la terre : “zama zama” qui signifie “ceux qui saisissent leur chance”.
Ils font l’actualité depuis peu, parce que, la multiplication des accidents dans les galeries minière aidant, accompagnée des récriminations des compagnies minières contre une concurrence insupportable, ils font l’objet de poursuites policières auxquelles succèderont des poursuites pénales pour violation de propriété et pour travail clandestin.
Le droit doit faire son oeuvre. Mais il doit faire toute son oeuvre. Entendez par là que si les indiscutables infractions commises par les zama zama doivent être réprimées – sans rigueur excessive – il faudrait aussi, avec une rigueur proportionnelle, s’attaquer aux autres éléments de la chaîne d’infraction : les entrepreneurs de mine qui, à la cessation de leurs activités, ont manqué à leurs obligations de sécurisation des mines abandonnées ; les trafiquants qui forment la chaîne de commercialisation du produit de l’extraction ; et que dire des acheteurs qui, souvent, en Afrique mais aussi et surtout en Occident, le font en connaissance de cause ?
Et après ? Peut-on en rester là ?
Assurément non ! Le droit – pénal en l’occurrence – n’est qu’un mauvais bandage sur une mauvaise plaie. Il faut d’abord prendre toute la mesure politique et sociale du phénomène. Elle est celle d’une faillite. Faillite d’un modèle ultracapitaliste tourné entièrement vers l’appât du gain et dont les vues s’arrêtent au court terme, dans lequel la prospérité (songeons que l’Afrique du Sud représentait dans les années 70 plus de 70% du marché mondial de l’or, plus que 20% aujourd’hui) s’engrange sans penser aux lendemains, et notamment à la reconversion des sites. Faillite sociale : des milliers de licenciements consécutifs à la diminution inexorable de l’activité minière sans qu’ait jamais été engagé une politique d’ensemble de reclassement, de formation en vue d’une réinsertion professionnelle, ou même d’aide à l’initiative entrepreneuriale. Réponse par le droit, oui. Mais qui ne voit que c’est à ce plan global, à la fois politique et social qu’il faut se situer pour trouver les voies de sortie d’une crise dont les dimensions dépassent les individus qui y sont emprisonnés ?
JFAK
CAMEROUN : CINQUANTENAIRE DE LA RÉUNIFICATION
Célébrer un cinquantenaire pour quoi faire ?
Dans la vie d’une femme ou d’un homme, 50 ans c’est beaucoup !
Dans la vie d’un Etat, entité abstraite dont on se plait à penser qu’il nait un jour pour un destin perpétuel, c’est si peu de chose.
Mais pour un Etat d’Afrique, le Cameroun, venu à l’indépendance après des épisodes historiques qui l’ont divisé, et pour un Etat d’Afrique centrale où la sécession, c’est-à-dire le morcellement des Etats, semble être devenue le maître mot des forces opportunistes et antinationales, c’est un événement considérable.
Il faut donc s’en réjouir. Et se réjouir sans retenue, malgré les critiques qui peuvent naître ici ou là : sur les sommes englouties dans l’événement et l’usage qui en est fait, sur les possibles détournements que commettraient de sans-scrupule commis de l’Etat, etc.
Il faut s’en réjouir, mais sous condition…
L’occasion est belle, mais seulement si elle est une occasion pour nourrir la mémoire et pour dessiner un avenir meilleur !
La mémoire : elle est indispensable. Au peuple camerounais dans son ensemble. À la jeunesse camerounaise en particulier. Qui doit se souvenir des raisons qui expliquent que, 40 ans après les indépendances, ce pays est resté un Etat unique, portant un peuple uni. Ces raisons tiennent à la lutte, et pour tout dire au sacrifice d’hommes et de femmes pour l’Indépendance et l’Unité. On pense spontanément à des Ruben Um Nyobé, Ernest Ouandié, Félix Roland Moumié, Ahmadou Ahidjio, et tant d’autres.
La mémoire encore : se souvenir, dans le détail, de ce qui aurait pu déterminer un sens autre à l’histoire du Cameroun : le gouvernement germanique, suivi de la partition franco-britannique fondée sur deux mandats distincts confiés par la Société des Nations après la première guerre mondiale et transformés en régime de tutelle par l’Organisation des Nations Unies après la deuxième guerre mondiale. Se souvenir de la féroce volonté de domination à vocation interminable qui a caractérisé ces différentes périodes, du conditionnement à la division qui est le propre des périodes de mandat et de tutelle, des différences linguistiques – les anglophones d’un côté, les francophones de l’autre – les différences de culture politique et sociale liées à cette division.
La mémoire doit être entretenue. Elle peut l’être de différentes manières. L’édification de symboles – lesquels sont prévus pour l’occasion du cinquantenaire – participent de cela. Créer les conditions favorables à l’élaboration d’ouvrages d’histoire par les camerounais eux-mêmes en est une autre, et ce disant nous pensons à la forme d’écriture de l’histoire que l’on peut trouver dans le livre « Congo, une histoire » de David Van Reybrouck, histoire attachée aux personnes qui l’ont vécue, mêlant la « grande » histoire aux « petites » histoires qui la font, les archives à la mémoire des hommes et des femmes. Penser aux ouvrages pour penser à l’éducation des générations actuelles et à venir.
Exigence de mémoire, mais aussi exigence d’horizon, d’avenir. D’un avenir qui soit tel qu’il invite à l’adhésion pour projeter l’unité de l’Etat camerounais et la solidarité de son peuple dans l’avenir.
C’est une nécessité vitale : maintenir une flamme qui est fragile. L’expérience venue de pas si loin, d’Afrique centrale, le montre assez, et dramatiquement.
C’est aussi une responsabilité : celle des femmes et hommes politiques camerounais d’aujourd’hui et de demain.
JFAK