AVERTISSEMENT : La présente publication est destinée avant tout à mes étudiants, ou plus exactement à mes auditeurs du Diplôme d’Université (DU) “Connaissance de la laïcité” de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Mais je l’ai voulue accessible aussi à toute personne intéressée par cette problématique de la laïcité. Les références du chapitre sur “laïcité et problématiques professionnelles” sont à venir….
Présentation
Vue de France, la laïcité est une valeur, une norme, un principe national constant ; un principe structurant aussi, qui prend racine dans la Constitution : Le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution de 1958 prévoit ainsi que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Il s’en suit des déclinaisons juridiques aux plans législatif, règlementaire et de la normativité privée.
Il n’est donc guère surprenant que l’on présente la laïcité, comme c’est le cas dans une grande partie de la doctrine, comme élément du « patrimoine national », ou partie essentielle d’une identité nationale, y compris au plan constitutionnel.
Les débats récents et actuels montrent que la laïcité n’a pas un contenu figé, qu’il s’agit d’une notion dynamique susceptible d’évolution compte tenu des situations et des mentalités, la question étant précisément de savoir quels types de situations et à quel degré de mutation de l’esprit collectif cette évolution du contenu de la laïcité est envisageable ou peut s’enclencher.
Un des objectifs de ce séminaire sera de montrer que la définition de la laïcité et de ses exigences se fait désormais dans un cadre européen, et que ce cadre, dont le droit positif est une des plus fidèles cristallisations, affecte nécessairement la définition nationale ainsi que les exigences qui en découlent. De là on s’apercevra qu’il existe des conceptions nationales différentes à partir desquelles les institutions européennes s’efforcent de bâtir un socle (minimal) commun.
Par droit européen, on entendra ici essentiellement le droit collectif des Etats européens, tel qu’il se construit dans les deux principaux cadres de référence : l’Union européenne, entreprise d’intégration regroupant à ce jour 27 Etats membres (compte étant tenu du Brexit), d’une part, et le Conseil de l’Europe, organisation de coopération regroupant 47 Etats membres, d’autre part.
On verra que bien que la laïcité ne soit ne soit pas, en tant que telle, expressément consacrée par les droits européens, elle ne se trouve pas moins imposée – et donc protégée – par eux. On peut ainsi considérer qu’il existe, sinon une conception européenne, du moins une approche européenne de la laïcité, adossée aux textes fondamentaux dont la Convention européenne des droits de l’homme au premier chef ; une approche qui, à la faveur des mécanismes juridiques assurant la connexion des droits européens aux droits des Etats nationaux, vient irriguer le droit français.
Plan & Références
PLAN | RÉFÉRENCES |
CHAP. 1: CADRES EUROPÉENS ET FONDEMENTS DE LA LAÏCITÉ | |
Sect. 1 : Dualité de l’Europe du Droit | |
I- L’Union européenne | |
A- L’entité / B- Les institutions / C- Le système de droit | |
II- Le Conseil de l’Europe | |
A- L’entité / B- Le droit du Conseil de l’Europe | |
Sect. 2 : Fondements européens de la laïcité | |
I- Au sein de l’Union européenne | |
° Traité d’Amsterdam (1997) que l’on trouve la Déclaration n° 11 relative au statut des églises et des organisations non confessionnelles | “L’Union européenne respecte et ne préjuge pas le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. L’Union européenne respecte également le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles”. |
° Livre blanc sur la gouvernance européenne (25 juil. 2001) | “La société civile joue un rôle important en permettant aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations et en fournissant les services correspondant aux besoins de la population. Les Eglises et les communautés religieuses ont une contribution spécifique à apporter”. |
° Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 10 | “Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites”. |
° Art. 17 TFUE (Traité de Lisbonne) | “L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations”. |
II- Au sein du Conseil de l’Europe (Convention européenne des droits de l’homme) | |
Art. 9 : Liberté de pensée, de conscience et de religion | « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » |
Art. 2 P1 : Droit à l’instruction | « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. » |
Art. 8 : Droit à une vie privée et familiale | « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » |
CHAP. 2: LA PROTECTION DE LA LAÏCITÉ EN DROIT EUROPÉEN DES DROITS DE L’HOMME (CEDH) | |
Sect.1 : Statut de la laïcité | |
I- La laïcité n’est pas un droit protégé | ° Arrêt Kokkinakis contre Grèce, 25.5.1993 ° Arrêt Lautsi c. Italie, 18.3.2011 (affaire du crucifix) |
II- La laïcité comme limite à la liberté religieuse | ° Arrêt Leyla Sahin c. Turquie, 10.11.2005 ° Arrêt Ebrahimian c. France, 26.11.2015 ° Arrêt Molla Sali c. Grèce, 19.12.2018 |
Sect. 2: Arbitrages jurisprudentiels entre liberté religieuse et laïcité (hors situations professionnelles) | |
I- Signes religieux à l’école (élèves/étudiants) | ° Dogru c. France, 4.12.2008 ° Kervanci c. France, 4.12.200 ° Aktas c. France, Bayrak c. France, Gamaleddyn c. France, Ghazal c. France, Ranjit Singh c. France et Jasvir Singh c. France, 30.06. 2009 (décisions sur la recevabilité) |
II- Signes religieux dans l’espace public | ° Arrêt Ahmet Arslan et autres c. Turquie 23.2.2010 ° Arrêt S.A.S. c. France 1.7.2014 ° Arrêt Hamidovic c. Bosnie-Herzégovine, 5.12.2017 |
III- Contrôle de sécurité et documents d’identité | ° Phull c. France, 11.1.2005 (décision sur la recevabilité) ° El Morsli c. France, 4.3.2008 (décision sur la recevabilité) ° Mann Singh c. France, 13.11.2008 (décision sur la recevabilité) |
IV- Prise en compte des convictions des parents dans le cadre de l’éducation des enfants | ° Arrêt Konrad c. Allemagne, 11.9.2006 ° Arrêt Folgero et autres c. Norvège, 20.6.2007 ° Appel-Irrgang et autres c. Allemagne, 6.10.2009 ° Arrêt Dojan c. Allemagne, 13.9.2011 |
V- Rapport entre code religieux et code civil (en matière successorale) | ° Arrêt Molla Sali c. Grèce, 19.12.2018 |
CHAP. 3 : LAÏCITE ET PROBLÉMATIQUES PROFESSIONNELLES | |
Sect. 1: Laïcité et problématique de l’emploi public | |
I- Ecole | ° Dahlab c. Suisse, 15 fev. 2001 (Décision de recevabilité). |
II- Hôpital | ° Arrêt Ebrahimian c. France, 26 nov. 2015. |
III- Armée | ° Tepeli c. Turquie, 11.09.2001 (Décision de recevabilité) ° Sert c. Turquie, 8.07.2004 (Décision de recevabilité) |
IV- Etat du droit et de la pratique administrative française | ° Ministre de la Fonction Publique : Circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique |
Sect. 2: Laïcité et problématique professionnelle privée | |
I- Les tatonnements initiaux de la Cour européenne des droits de l’homme | ° Arrêt Eweida c. Royaume-Uni, 15.1.2013 |
II- La fixation de l’état du droit : l’affaire Baby-Loup | ° Sur la “saga” Baby-Loup : les débats, en particulier juridiques, et les décisions juridictionnelles (spécialement de la Cour d’Appel de Paris et de la Cour de cassation). |
III- L’état du droit français à la suite de Baby Loup | ° Observatoire de la laïcité : Guide de la gestion du fait religieux dans l’entreprise privée, juillet 2015 |
IV- Confirmation de la jurisprudence française par la Cour de justice de l’Union européenne | ° CJUE (GC), 14.3.2017, Arrêt Achbita, aff. C-157/15. ° CJUE (GC), 14.3.2017, Arrêt Bougnaoui, aff. C-188/15. |
Sect. 3: Problématique particulière et transversale : fêtes religieuses et travail | ° CEDH, 13.4.2006, Kosteski c. Ex-République Yougoslave de Macédoine ° CEDH, 3.4.2012, Francesco Sessa c. Italie |
Sect. 4: Problamatique de l’emploi dans les associations religieuses et philosophiques | |
I- Justifications du particularismes | Voir CEDH, 26.10.2000, arrêt Hassan et Tchaoutch c. Bulgarie |
II Déclinaisons | ° CEDH, 23.9.2010, Schüth c. Allemagne, et Obst c. Allemagne ° CEDH, 12.6.2014, Fernandez Martinez c. Espagne (Voir aussi l’arrêt de Chambre du 15.5.2012) ° CEDH, 9.7.2013, Sindicatul Pastorul Cel Bun c. Roumanie (Voir aussi l’arrêt de Chambre du 31.1.2012) ° CJUE, 17.4.2018, Egenberger, affaire C-414/16 (GC) |
SÉMINAIRE DU PROF. JEAN-FRANÇOIS AKANDJI-KOMBÉ