LES ACTES DU PREMIER CYCLE DES RENCONTRES SOCIALES DE LA SORBONNE VIENNENT DE PARAÎTRE
ESPRIT DE L’OUVRAGE [Extraits de l’avant-propos par J.-F. Akandji-Kombé]
“Il y a peu d’objets juridiques qui, comme l’égalité, ont pu traverser le temps depuis les Anciens sans rien perdre de leur intérêt. Les nombreux travaux récents et d’importance qui lui sont consacrés par la doctrine tant institutionnelle qu’universitaire suffiraient, si doute il y a encore sur ce point, à en convaincre [à signaler particulièrement : L’égalité, Archives de philosophie du droit, tome 51, Dalloz 2008 ; Cour de cassation : Rapport 2003 (« Egalité ») et Rapport 2008 (« Discriminations ») ; Conseil d’Etat, Rapport public 1996, Sur le principe d’égalité] Il est une autre orientation de la recherche qui retient aussi l’attention : il s’agit du questionnement du droit social dans cette optique [spéc. C. Radé, Discriminations et inégalités de traitement dans l’entreprise. Tous égaux, tous différents, Ed. Liaisons, 2011 ; J.-F. Césaro (dir), L’égalité en droit social, Lexis-Nexis 2012 ; G. Borenfreund & I. Vacarie, Le droit social, l’égalité et les non discriminations, Dalloz 2013]
Ce dernier intérêt n’est pas pour surprendre, au moins en France. Il est à corréler avec l’apparition récente du principe d’égalité parmi les normes de référence du contrôle exercé par le juge du travail, laquelle remonte de manière certaine à l’arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996. Mais il témoigne aussi d’un certain trouble, du précisément à l’irruption dans des rapports contractuels privés d’une norme dont on pouvait penser, notamment au regard de ses formulations dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qu’elle était conçue essentiellement pour s’appliquer dans les relations juridiques des personnes publiques. Ce trouble n’a pu qu’être exacerbé par la concurrence de formulations dont il n’est pas certain qu’ils se recoupent totalement : égalité, égalité de traitement, non discrimination.
On pourra y voir une forme de paradoxe, l’égalité ayant toujours été pensée, et même revendiquée, comme exigence sociale. Mais ce social là est celui qu’on nommerait sociétal aujourd’hui ; c’est un social qui se rapporte aux institutions et aux rapports sociaux dans leur ensemble. C’est le social de la « justice sociale », formule qui renvoie essentiellement à l’idée que « la justice est la première vertu des institutions sociales » [J. Rawls, 1987 :29]. En ce sens donc, l’égalité n’est pas le propre des rapports de travail et des protections qui s’y rattachent. Mais on ne saurait davantage l’en exclure, le « social professionnel » n’étant qu’un segment du champ d’application de la justice sociale. Toute la question est là pourtant : le champ des relations professionnelles ne serait-il qu’un terrain de plus pour l’application d’un norme immuable et immutable tant en son principe qu’en ses méthodes de réalisation ? Si oui, ce principe et ces méthodes sont-ils adaptés au nouveau milieu que constitue cette branche du droit, et quelles adaptations sont-elles susceptibles d’apporter à la manière de penser le droit social ? Sinon, quelles inflexions les dynamiques propres de ce droit sont-ils susceptibles d’apporter à la conception de l’égalité et à ses techniques de mise en œuvre ? Ces questionnements ne sont pas nouveaux.
D’autres, peu avant nous, avaient entrepris une recherche remarquable à partir des mêmes prémisses. Ils partaient pareillement de la considération que « la nécessité de contenir les inégalités juridiques et sociales participe de l’acte de naissance du droit social et constitue sans doute l’une de ses raisons d’être » ; mais aussi du double constat que la montée en force de l’égalité « représente une des manifestations les plus marquantes de la transformation du droit social au cours des vingt dernières années », d’une part, et qu’elle « perturbe aujourd’hui l’ensemble du droit social jusque dans les réflexes et raisonnements de cette discipline qui semblaient les plus inébranlables » [G. Borenfreund & I. Vacarie, op. cit., p. 1-2.].
Ces questions restent ouvertes. D’où la présente initiative. Les contributions au présent ouvrage n’ont d’ailleurs pas pour ambition d’y répondre définitivement. Si elles peuvent apporter un éclairage utile, permettre une meilleure compréhension de la norme d’égalité et des moyens de sa mobilisation, le pari aura été réussi.
Pour répondre à ces questions, le choix a été fait d’adopter une démarche ouverte en partant d’une double considération. La première est que, l’égalité intéressant toutes les branches du droit, il importe de faire dialoguer le droit social avec les disciplines juridiques majeures : le droit constitutionnel, le droit administratif, le droit civil, le droit des affaires, le droit de l’Union européen, le droit international, etc. Le deuxième choix a été de privilégier la focale du juge. L’importance ainsi accordée au juridictionnel porte en elle une certaine vision de l’application du principe, notamment dans le champ du droit social. L’hypothèse est que le juge n’a pas seulement pour fonction de veiller au respect du principe par les sujets de droit ; que, placé dans un contexte de pluralisme des sources et des conceptions, mais aussi de concurrence entre celles-ci, son rôle est plus actif qu’il n’y paraît de prime abord ; qu’ainsi il participe nécessairement et dans une large mesure à la détermination de ce qu’est la norme elle-même. […]”
LISTE DES CONTRIBUTEURS
- Jean-François Akandji-Kombé, Professeur à l’École de Droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Pierre Bailly, Doyen de la Chambre sociale de la Cour de cassation.
- Bérénice Bauduin, Doctorante, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Dirk Baugard, Professeur à l’Université Paris 8 Vincennes – St Denis, DDS-IRJS (membre associé).
- Jean-Michel Belorgey, Conseiller d’Etat honoraire, ancien Président du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe.
- Gerhardt Binkert, Président de la Cour d’appel du travail de Berlin-Brandenbourg.
- Julien Boddaert, Doctorant, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IRJS.
- Jean-Claude Bonichot, Juge à la Cour de justice de l’Union européenne.
- Michel Borgetto, Professeur à l’Université Paris II, Panthéon-Assas
- Agnès Cerf-Hollender, Maître de conférences à l’Université de Caen Basse-Normandie.
- Camille Charlot, Doctorante, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Laetitia Driguez, Maître de conférences à l’École de Droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Olivier Dutheillet de Lamothe, membre honoraire du Conseil constitutionnel, Président de la section sociale du Conseil d’Etat.
- Gaëlle Dumortier, Maître des requêtes, Rapporteur public, Conseil d’Etat.
- Alexandre Fabre, Professeur à l’Université de Douai, DDS-IRJS (membre associé).
- Laurène Gratton, Professeur à l’Université Jean Monnet, St Etienne, DDS-IRJS (membre associé).
- Manuela Grevy, Maître de conférence à l’École de Droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Francis Kessler, Maître de conférence à l’École de Droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Justin Kissangoula, Maître de conférences HDR à l’Université Paris-Descartes, Institut de droit européen des droits de l’homme et Centre Maurice Hauriou.
- Robert Lafore, Professeur de Droit public à l’Institut d’études politiques, Université de Bordeaux.
- Jean Lessi, Maître des requêtes, Conseil d’Etat.
- Arnaud Martinon, Professeur à l’École de Droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Hélène Masse-Dessen, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.
- Marie Mercat-Bruns, Maître de Conférences, CNAM, enseignante affiliée à Sciences Po, Paris
- Laurence Pécaut-Rivolier, Conseiller référendaire à la Chambre sociale de la Cour de Cassation, DDS-IRJS (membre associé).
- Jean-Marie Pernot, Sociologue
- Renaud Salomon, Conseiller référendaire à la Cour de cassation, Professeur associé à l’Université Paris-Est (Paris XII).
- Claire Squire, Docteur en Droit, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
- Bernard Stirn, Président de la section du contentieux, Conseil d’Etat.
- Hélène Tissandier, Maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine, Institut Droit-Dauphine.
- Alexia Weissenbacher, Doctorante, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, DDS-IRJS.
SOMMAIRE DE L’OUVRAGE
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JFAK
3 comments on Un livre sur l’égalité, vue du droit social…
Félicitations pour le livre, très intéressant.
Cordialement
Carmen Salcedo
Prof. Université de Valence (Espagne)
Merci chère Carmen.
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